Cacophonie sur les compacts

26 avril 2010

Le Lumix G10 n'intègre ni prisme ni miroir en dépit du bossage qui le surmonte : certain y voit un reflex de nouvelle génération, d'autres un compact à objectif interchangeable : les consommateurs eux, auront à demander conseil… !

Le fait

Les marques, les organes de presse et la distribution n’utilisent pas le même terme pour nommer les compacts numériques à objectifs interchangeables. Au moins sept désignations circulent couramment : reflex à visée électronique, reflex sans miroir, appareil hybrides, boîtiers à objectifs interchangeable, compact à visée électronique, « vrai-faux » reflex hybrides et enfin compact à objectif interchangeable (sans compter les articles qui passent d’une appellation à l’autre ou qui préfèrent la neutralité en parlant « d’appareils à objectifs interchangeable »…).  Alors que cette famille est appelée à devenir un levier de croissance majeur  (60 000 pièces devraient être commercialisées en 2010 selon les nouvelles prévisions de GfK, contre 8500 en 2009), il serait peut être bon que le consommateur puisse s’y retrouver ?…  Non ?

Le décryptage

La cacophonie autour des noms utilisés pour désigner les compacts numériques à objectif interchangeable n’est pas le fruit du hasard, ni de l’incompétence, c’est le fait d’une intention marketing contrariée : au tout départ, pour Panasonic , inventeur de cette nouvelle catégorie d’appareils, parler de reflex à visée électronique permettait de jouir de la notoriété attribuée à cette classe d’appareils, de les positionner dans une tranche de prix élevée en justifiant d’une qualité photo équivalente au reflex à visée optique (ce qui est vrai) et d’un bénéfice d’usage proche (ce qui est vrai pour la compacité, la vidéo, mais pas encore vrai pour la visée et la mise au point). C’est aussi une intention louable de tirer vers le haut un nouveau segment de marché qui génèrera les profits des fabricants durant les années à venir  (une démarche que Canon et Nikon ne renieront pas le jour où ils y viendront… le plus tard possible …et lorsque la technologie des viseur LCD aura évolué !).

Reste un fait : le nom de reflex attribué parfois à ce type d’appareil ne marche pas. Le laboFnac a trouvé une solution dans son guide « Appareils photo numériques à objectif interchangeable » en ne nommant pas cette catégorie d’appareils, mais en la désignant par son format « Les formats Micro 4/3 »,  tout en surqualifiant les reflex à miroir-éclair de « Reflex à visée optique ». Mais avouons que sur le terrain marketing, nous avançons de plus en plus en terrain miné. D’autant que pour commander un Lumix GF1, il faut aller sélectionner la famille des reflex sur le site fnac.com… (sans qu’aucune mention ne soit faite sur l’absence de visée optique, ou l’atout de son viseur LCD…).  Bref, comme il n’est pas de l’intérêt de Panasonic de voir la question tranchée, je pense que les deux années à venir seront placée sous le signe de la cacophonie, avec des journalistes qui jongleront (en connaissant le jeu marketing des marques), des catalogues distributeurs qui feront ce que les marques leur dit de faire, et des  consommateurs qui seront… perdus (une manne pour les vendeurs à l’écoute). Pour GfK, qui aime bien les règles claires pour classifier les appareils dans son panel, le choix est fait depuis longtemps. Il s’agit de « Compacts à objectif interchangeable ».


Sony et iStockphoto réunis à Cannes

26 avril 2010

Par le partenariat signé avec les Sony Photography Awards 2010, iStockphoto donne une visibilité officielle aux amateurs qui vendent leur photo sur Internet.

Le fait

Pour son dixième anniversaire, la société canadienne Istockphoto annonçait le 7 avril dernier son partenariat avec les organisateurs des Sony World Photography Awards dont les cérémonies se sont déroulées à Cannes du 22 au 27 avril. La plate-forme de téléchargement de photos low-cost, filiale à 100 % du groupe Getty Images, rappelle à cette occasion qu’elle représente l’un des premiers réseaux sociaux au monde (6 millions de membres) et reste l’une des communautés les plus importantes à vendre en ligne des contenus images et audio générés par ses utilisateurs (80 000 contributeurs) : 100 millions de fichiers ont été téléchargées en dix ans sur les sites istockphoto, et le montant des reversement aux contributeurs amateurs qui les alimentent s’élèvent en 2010 à 1,2 millions d’euros chaque semaine !

Le décryptage

La présence de istockphoto aux côtés d’ipernity (site de partage de photos en version beta) et de la ville de Cannes comme partenaire des Sony World Photography Awards marque une rupture dans la distance que les fabricants ménagent avec les sites de ventes de photographies produites par les amateurs. Ces sites sont en effet montrés du doigt par la communauté des photographes professionnels qui voient dans le principe de longue traîne, un modèle économique qui détruit celui des droits d’auteur, tout en mettant selon eux, la diffusion de la production mondiale des images entre les mains de entreprises monopolistes placées sous la coupe de fonds d’investissements.… Or Sony a autant besoin des professionnel pour construire son image d’acteur culturel incontournable — ce qui justifie la présence de grands noms de l’agence Magnum aux trois éditions des SWPA—, que des amateurs qui constituent l’essentiel de sa clientèle (et dont les photos sont honorées également lors des cérémonies).

Informellement, le co-partenariat de l’événement via la société organisatrice des World Photography Awards vient donc rapprocher les deux familles dans une même célébration (et cela, sans même que la propre équipe commerciale européenne de Sony en soit avertie !). Pour Simone Mazer, Vice-présidente Opérations France et Amérique Latine d’istockphoto,  « Il y a de la place pour tout le monde,  étudiants, amateurs, professionnels, photoreporters, photographes commerciaux, (…) des millions de personnes ont du talent et peuvent le montrer aujourd’hui. Pour les photographes qui veulent rester comme avant, il n’y a pas d’avenir, mais même les vétérans savent bien que des opportunités s’ouvrent pour les photographes qui veulent les saisir.»

En marge de la manifestation cannoise, istock organisait trois matinées permettant de réunir une centaine de photographes amateurs « istockers » du monde entier. Programmées deux fois par an partout dans le monde, dans le but de faire vivre la communauté en favorisant le partage, l’échange  et l’apprentissage, ces rencontres baptisées iStockalypse, constituent un atout pour iStock/Getty Images pour rester au cœur de cette communauté… Reste maintenant à savoir comment les autres fabricants entameront des préliminaires pour se rapprocher des centaines de milliers de contributeurs amateurs qui vendent leurs images sur d’autres sites, en dépit du regard sévère que leur portent les professionnels ? A suivre…


2010, année zéro du Web-documentaire

26 avril 2010

Le Webdocumentaire, un nouveau format multimedia sur lequel les photographes peuvent s'imposer.

Le fait

La bourse du talent 2010 vient de couronner Elisabeth Schneider pour sa petite œuvre multimédia (POM) intitulée  « M’aime Pas Peur » . C’est la première fois depuis sa création que le jury a retenu une réalisation multimédia  et non un travail présenté sous forme de dossier composé de tirages d’artiste. La même semaine, SFR dévoilait le nouveau Web-documentaire « Homo Numericus » réalisé par Samuel Bollendorff et Eric Walther (dont le premier est photographe de l’ex-collectif L’œil Public). Arte de son côté vient de lancer « Prison Valley » sur son site arte.tv, tandis que le france5.fr diffuse depuis février le premier volet de « Portrait d’un nouveau monde« , premier Web-documentaire d’une série de vingt quatre, produits par Narrative, jeune société de production qui fait appel à de nombreux photographes pour la réalisation de cette commande et de nombreuses autres.

Le décryptage

Le web-docu décolle et les photographes sont les mieux placés pour profiter de leur essor. Une conséquence directe de l’invasion des écrans dans nos vies : il faut les alimenter avec des contenus créatifs qui laissent la main aux internautes (le besoin de coproduction s’impose partout !). En délinéarisant la narration, les Web-documentaires donnent une grande liberté aux lecteurs, et ceux-ci aiment çà ! L’audience de Voyage au bout du charbon (premier Web-docu médiatisé en nov. 2009 sur lemonde.fr) a été vu par 200 000 visiteurs uniques, et la moitié d’entre-eux sont restés en moyenne dix minutes devant leur écran. Pour accrocher l’audience, le nouveau genre se montre efficace et les investissements d’Arte, de France 5 et de SFR en témoignent. Nikon France, lors de sa journée professionnelle parisienne (animée par photographie.com), a d’ailleurs consacré aux POM (Petites œuvres multimédia ) une partie de ses ateliers. Objet constitutif d’un Web-docu, la petite œuvre multimédia est aussi une production légère à la portée de tout photographe créatif (voir les vidéos en cliquant ici).

Toutes les réalisations citées plus haut sont remarquables, et toutes ont été réalisées par des photographes de métier au sein d’équipe pluridisciplinaire. Il s’agit de prendre le temps de les regarder, histoire de nourrir créativité et… ambitions !


Décryptage, spécial Ma photo, c’est vous !

13 avril 2010

Le défi : avoir 200 magasins au label Ma photo C'est vous ! ouverts le 1er mai pour faire connaître la profession en offrant une séance de prise de vue et un tirage 30 x 40 cm aux visiteurs !

Le fait

Les portraitistes porteurs de la marque Ma photo C’est vous ! organisent le 1er mai 2010 une opération portes ouverte conviant le public à se faire photographier dans toute la France. Les 200 artisans-photographes qui accueilleront les visiteurs dans leur studio tout au long de la journée, leur offriront un tirage 30 x 40 cm au terme d’une séance de prise de vue immédiate ou sur rendez-vous.  Le but de cette action de communication nationale  — organisée  un an et demi après la création de la marque par l’équipe dirigeante du Groupement national des photographes professionnels (GNPP) — est de générer du trafic afin de mieux faire connaître l’activité des photographes dans leur région. Il s’agit de montrer au grand public que le photographe professionnel n’est pas seulement un prestataire d’exception convoqué aux seuls grands moments de la vie, mais sait répondre aux besoins plus fréquents de représentation de soi (en produisant des portraits de haute qualité esthétique), à travers une expérience gratifiante et ludique le temps d’une prise de vue.

Le décryptage

Cette annonce qui aurait pu être extraite des colonnes d’un magazine de marketing donne la mesure de ce qui se joue avec la première opération de lancement national de la marque Ma photo C’est vous ! Car la création d’une marque est un préalable pour communiquer vers une cible large. Un challenge pour tous les réseaux de professionnels indépendants dont la notoriété ne dépasse pas la zone de chalandise locale (et dont la réputation est portée par une population qu’on aimerait voir plus jeune).

Mais pour cette initiative, le besoin va bien au-delà de la communication autour d’une jeune marque qu’il s’agit de faire connaître : ce qui est en jeu dans cette opération portes ouvertes, c’est la prise de parole d’un métier trop souvent frappé d’invisibilité. Oser s’adresser au grand public, c’est aussi se donner les moyens de renouer le contact avec une population qui a déserté le chemin des studios de quartier depuis bien longtemps. Sauf pour une photographie d’identité plus flatteuse que celle d’une cabine !

Pour les dirigeants du GNPP, les raisons de différer une telle initiative nationale auraient été nombreuses : harmonisation imparfaite de l’approche commerciale, aspect perfectible des lieux d’accueil, disparité des talents et des styles des professionnels, ou encore pertinence du nom choisi pour porter l’étendard d’une norme de qualité en prise de vue…  Mais après tant d’années, il y a urgence. L’action s’impose, les imperfections d’une solution ne doivent plus être le prétexte à différer les initiatives vers les consommateurs. Les hôteliers réunis sous les bannières « Relais du silence » ou « Relais & châteaux » ont dû avoir les mêmes affres en se réunissant il y a quarante ans. Et puis l’efficacité d’un label s’est imposé progressivement leur évitant aujourd’hui le pire : l’anonymat d’hôtels de qualité, situés au meilleur lieux, délivrant un accueil exceptionnel… mais qui n’appartiennent à aucun circuit commercial visible.

Les photographes doivent entrer en convalescence d’un manque chronique de confiance en eux, afin de témoigner avec fierté d’un métier vivant dont le rôle social reste important quoi qu’en disent les cassandres. Les photographes de mariage le prouvent à chaque cérémonie et leur statut n’est jamais remis en cause à ces occasions… il leur suffit de tenir leur place.


Entretien avec Luc Satgé*

13 avril 2010

Luc Satgé, consultant et formateur : "La réussite de cette opération représenterait une démonstration évidente que la profession retrouve la voie du dynamisme et de la confiance".

L’opération portes ouvertes Ma photo C’est vous ! se met en place. Quelles sont les conditions pour que les 200 studios soient vraiment ouverts le 1er mai ?

Pour moi la liberté est toujours un facteur de réussite. Les photographes endossent deux statuts, l’un d’entrepreneur, l’autre de créatif. Les deux caractères sont en balance, et parfois en contradiction. Seule la liberté de faire permet de concilier les deux casquettes.

Mais pour ceux qui revendiquent un statut d’artiste, le choix d’adopter un label  venant se positionner à côté de leur nom est une étape délicate ?

Je suis toujours frappé par la chaleur qui se dégage des réunions et rassemblements entre photographes du GNPP. Cela va au-delà de la simple cohésion confraternelle. Lorsque l’investissement affectif est si fort, le regroupement est naturel : mais alors toute démarche pouvant être identifiée comme une prise de leadership sur le groupe est suspecte. D’où la première difficulté, celle de faire adopter un label qui soit accepté par tous…

Mais rien de pire qu’un engagement « mou » pour une telle opération qui doit démontrer l’efficacité du label…

Il faut être conscient qu’il y a peu de photographes capables de travailler en « auto-allumage » comme j’aime à le dire. Ce métier demande une énergie folle. Quand les gens viennent en stage pour adopter le label Ma photo C’est vous !, il faut qu’à la fin, ils puissent dire oui, j’y vais ! Mais une fois dans leur entreprise, l’énergie tombe, les pensées négatives arrivent… que viennent nourrir les collègues plus pessimistes. L’égo refait surface : pourquoi utiliser un label, plutôt que sa signature puisque c’est la personnalité du photographe qui compte ? Autant de préoccupations qui lutte avec un engagement véritable sur le terrain et le principe de liberté qui régit l’exercice du métier. La seule solution possible dans ces conditions, c’est bien que les adhérents s’approprient le label à leur rythme.

Mais il y a urgence à générer du trafic vers les studios ?…

Ceux qui ont pu régler leurs problèmes de positionnement personnel vont avancer, et en agissant ainsi vont inciter leurs confrères à bouger.

Il y a engagement sur une qualité de services et de valeurs communes. Mais comme pour le label Relais & Châteaux, il y a des différences sensibles de qualité de service…tous les photographes du GNPP n’ont pas le même talent ? N’est ce pas un facteur qui retient les plus talentueux à porter fièrement le label commun ?

Je répondrais que Troisgros porte le label Relais & Châteaux… Côté qualité de prestation, je pense honnêtement que la satisfaction de la clientèle est extrêmement élevée face à la production délivrée par la grande majorité des membres du GNPP. Pour les meilleurs, je serais tenté de dire que le fait de ne pas avoir de label les pénalise en les cantonnant à leur zone de chalandise.

Personnalisation et co-production sont les secrets  de la réussite pour les activités de services. Pensez que le photographe Ma photo C’estvous ! soit en mesure de composer avec la demande des clients ?

Les clients savent ce qu’ils veulent, mais surtout ce qu’ils ne veulent pas. L’écoute est donc la première réponse pour accéder à leurs désirs. Ensuite c’est le savoir faire du photographe qui permet d’aller vers une satisfaction totale du client en dépit du stress du départ, du manque d’aisance des clients, de la gueule que font les enfants en arrivant… Nous touchons là au comportement pur du photographe pour retourner la situation à l’avantage de tous. Sur ce terrain, Ma photo C’est vous ! n’a rien à apprendre aux professionnels qui savent déjà composer avec la psychologie des sujets. Reste que les conditions du bon accueil de la clientèle doivent être réunies formellement (lieu d’accueil, écoute active, prise de notes…).

Quel rêve formuleriez-vous pour l’opération du 1er mai ?

Que les 200 magasins qui ont adopté le label Ma photo C’est vous ! soient ouverts pour accueillir le public ! Ce serait extraordinaire à l’échelle nationale, car cela représenterait une démonstration évidente que la profession retrouve la voie du dynamisme et de la confiance.

(*) Luc Satgé est consultant et formateur . Il dirige  la société Terre Neuve à Maisons-Alfort (94).


Colloque sur la photographie au Sénat

1 avril 2010

Bernard Perrine lors d'une table ronde, entouré d'acteurs qui proposent des solutions de valorisation professionnelle des photographies grâce à Internet.

Le fait

L’Ecole Nationale Supérieure Louis Lumière a organisé les 29 et 30 mars 2010 au Palais du Luxembourg, un colloque intitulé « Nouvelles perspectives pour les photographes professionnels ». Durant ses deux journées autour d’un programme imaginé par Françoise Denoyelle (professeur et historienne de la photographie), près de 130 personnes ont pu assister dans le cadre du Sénat aux exposés et débats d’une trentaine d’intervenants, invités à réfléchir sur la situation du marché photo professionnel actuel. Le constat est extrêmement sombre pour les photoreporters et les auteurs. Pour ne pas dire  calamiteux. Pourtant, sur les cendres d’une profession en péril —voire frappée d’invisibilité économique—, une dynamique de reconstruction semble se dessiner. Signe d’une prise de conscience de l’urgence au plus haut niveau de l’Etat, la création d’une Mission de la photographie par Frédéric Mitterand le 25 mars 2010. Elle pourrait permettre aux pouvoirs publics de prendre la mesure de ce qui se joue aujourd’hui : la disparition d’une profession au rôle social immense, autant que celle d’un patrimoine photographique d’une richesse inouïe.

Le décryptage

Exténués de déplorer la maltraitance dont le marché les gratifie, les photographes professionnels seraient-il en train de reprendre en mains leur destin ? Il est permis de l’espérer alors que la société vit chaque jour plus sous l’influence des images grâce aux écrans nomades. Mais pourquoi un consensus semble-t-il se créer aujourd’hui — si tard — pour défendre ce qui reste de cette profession, alors que depuis vingt ans, les exemples abondent en termes d’abus et de disqualification professionnelle ? C’est qu’il y a urgence à penser le métier pour lui redonner une légitimité économique et sociale : l’inquiétude est à son comble face à la dévalorisation marchande des photographies professionnelle, provoquant un risque d’assèchement de la production « d’éthique professionnelle » (par simple disparition de gens de métier). C’est le constat de Jean-François Leroy, directeur du Festival Visa pour l’Image de Perpignan, qui déplore avoir à consulter chaque année toujours plus de dossiers de photographes du monde entier (2 à 3000 par an !) en parvenant tout juste à trouver son compte de travaux solides faisant sens.

Pour l’ENS Louis Lumière, initiateur du colloque, le défi  n’est pas mince : il s’agit bien de donner le top départ à une réflexion commune entre les acteurs économiques, les universitaires et l’Etat sur les enjeux d’un métier déconsidéré par le monde économique. A quoi en effet pourrait servir une formation supérieure pour alimenter une filière métier que les cassandres disent condamnée ?  Alors que tous les acteurs de la filière de production d’images sont au pied du mur constatant leur fragilité, que les formats photographiques adaptées aux écrans restent à inventer, que les débats dépassés sur l’argentique n’ont enfin plus court, la possibilité d’une réflexion en profondeur s’ouvre enfin… Elle s’impose pour trouver une alternative au modèle des droits d’auteur, si protecteurs… et que le monde de l’entreprise a évacué en vingt ans. Elle permettra, souhaitons-le au plus tôt, d’offrir un jour un statut social aux photographes auteurs (et par extension aux artistes)… La société leur doit bien çà, elle qui les relèguent au seuil de la pauvreté alors que les expositions et autres activités culturelles drainent toujours plus de visiteurs épris d’émotions photographiques.


Les chiffres-clés du marché de la photo en France

1 avril 2010

Un document annuel signé par Jacques Hémon et édité par l'API* depuis douze ans.

Le fait

L’observatoire des professions de l’image 2010 est paru ce mercredi 30 mars. Il est disponible gratuitement en téléchargement sur le site http://www.sipec.org (cliquez simplement ici pour le télécharger). Rédigé par votre serviteur, la structure de ce document publié par l’API* chaque début d’année depuis 1998 ne change pas, fournissant un panorama complet et un décryptage de l’activité photographique en France sur 20 pages : pratiques photographiques des Français, consommation d’équipements de prise de vue et de consommables photo, services photo, circuits de distribution, activité professionnelle et marché de la photo d’art, point sur l’environnement, chiffres de références sur le marché européen et mondial.

Décryptage

Pour ceux qui n’auraient pas le temps de consulter les 20 pages de chiffres et d’analyses, voici un abstract spécial GNPP !

• Le dynamisme du marché des appareils photo est lié, —hors innovations technologique et marketing des fabricants — aux besoins du public de se raconter grâce à la photographie (et dialoguer grâce à elle sur les réseaux sociaux). L’appareil photo devenu un objet statutaire et personnel ce qui favorise le multi-équipement et son remplacement rapide.

• Le marché des reflex permet au photographe amateur d’accéder à une qualité supérieure qui correspond son ambition de maîtrise (production qui symbolise la maîtrise qu’il exerce sur sa propre image). 19 % des consommateurs se disent passionnés par la photographie selon le baromètre API/Ipsos).

• Alors que le marché des supports d’impression photo s’affaisse vraiment (-22 % selon GfK), celui des supports barytés grand format se porte bien (+6 % selon SNSII).

• L’avenir des services photos passent par les produits à forte valeur ajoutée : les albums personnalisés d’abord, les tirages personnalisés ensuite (calendriers, pêle-mêle…), les objets photographiques enfin… Le tirage 10 x15 perd 7 % en volume, 9,2 % en valeur HT.

• Les photospécialistes performent toujours autant sur les reflex en vendant un reflex sur quatre et en générant plus d’un tiers de la valeur sur ce segment. Toutefois au global, neuf appareils sur dix sont vendus par les autres circuits, dont un appareil sur cinq sur Internet .

• Les photographes professionnels cherchent de nouveaux modèles économiques. L’année 2009 restera une année noire pour les agences et le début 2010 confirme le constat.

• La problématique environnementale est bien connue des fabricants photo (traitement chimique oblique !). Pour les déchets électroniques (DEEE) les processus avancent de façon « raisonné » avec une réussite certaine en France. Reste aux consommateurs à se défaire de leurs vieux appareils photo auxquels ils restent attachés, même après les avoir délaissé.

• L’Europe représente le premier marché mondial pour les fabricants d’appareils photo. Le marché français pèse 4 % de la production mondiale.

• En Europe, trois dispositifs de prise de vue commercialisés sur quatre n’est pas un appareil photo ! Les téléphones, les caméscopes et les caméras multimédia sont autant d’équipements qui produisent également des images au quotidien.

(*) Association pour la Promotion de l’Image (dont le GNPP fait partie via la FNP)

Retour sur les albums personnalisés

1 avril 2010

Ces données Futuresource Consulting exprimées en millions d’euros donnent la mesure de la métamorphose en cours s. En 2010, les « nouveaux » services devraient représenter 37 % de la valeur de l’activité.

Le fait

Les nouveaux chiffres de Future Source sur l’évolution du marché des albums photo corrigent ceux que nous avions publiés fin février. Le poids des albums est plus important que ce que les données précédentes ne l’indiquaient : en conséquence ceux-ci représentent un levier de croissance pour les magasins plus fort que ce qui avions pu annoncer. Sans surprise ces chiffres confirment pour la France la baisse de l’activité de tirages numériques en valeurs.

Le décryptage

L’irrépressible volonté de participation des consommateurs aura le dernier mot, ici comme dans d’autres activités. Les produits conformes, normés , massiques, désincarnés n’ont pas de futur dans l’ère post-numérique où les consommateurs s’habituent à donner du sens —leur identité ! — aux objets qu’il consomment. C’est ce que le numérique a rendu possible… on l’a rêvé, et c’est devenu la réalité ! Cette tendance vers la co-production par les consommateurs de leur univers se traduit par nombre d’initiatives de marques en magasin (Nike, Adidas…) et encore plus en ligne. Comment l’univers photo ne pourrait-il pas être affecté profondément par cette lame de fond,  annoncée de longue date par la presse spécialisée et les fabricants. En outre l’album photo personnalisé fait un lien idéal, rassurant, transgénérationnel, entre une culture du réel (le livre) et celle du virtuel (l’Internet) en ajoutant un atout essentiel « pour ça marche » : la possibilité de se raconter (story-telling) et de s’amuser en étant acteur de sa propre existence. Evidemment, le tirage photo qui ressemble à celui que nos grand parents manipulaient a du plomb dans l’aile dans un tel contexte. Mais s’il semble condamné comme production de masse, n’imaginons pas qu’il disparaisse comme objet d’exception. Lorsqu’une norme s’installe (et aujourd’hui, c’est celle de la visualisation des photos sur écran), viser la contre-norme peut s’avérer payant.