L’hyper-résolution entre en lice

22 septembre 2010


Capteurs CMOS d'exception chez Canon : 202 x 205 mm à gauche, 20,2 x 29,2 mm à droite. Ce dernier d'environ 120 millions de pixels fait entrer la photo dans l'ère de l'hyper-résolution, dans la droite ligne des images gigapixels présentes sur Internet.

Le fait

Canon a annoncé fin août la mise au point de deux capteurs CMOS exceptionnels : le premier offre une résolution de 120 mégapixels au format APS-H (voir la description en cliquant ici) ; le second, au format 20,2 x 20,5 cm (!) reste un produit de laboratoire qui vise la sensibilité et la rapidité maximales (sa résolution n’est même pas annoncée !). Compte tenu de sa sensibilité — cent fois supérieure à celle d’un capteur d’EOS ! — ce capteur permet l’enregistrement d’images jusqu’à 0,3 lux, y compris en vidéo à 60 images/seconde ! Ce qui le prédispose à la prise de vue astronomique mais aussi à la prise de vue nocturne (voir sa description en cliquant ici).

Le décryptage

La très haute résolution a le vent en poupe. Les sites qui présentent des images giga-pixels (constituées de photos juxtaposées) sont légions partout dans le monde (voir les spectaculaires photos des sites gigapixel.com ou gigapan.org), tandis que l’industrie des capteurs va rapidement autoriser (en capture instantanée) des niveaux de résolution en rupture avec notre norme actuelle, issue des débuts de la photographie : celle-ci se réfère encore à une résolution « nécessaire et suffisante » afin que la qualité d’image imprimée sur un support dépasse les limites de perception de l’œil humain dans les conditions idéales d’observation (acuité visuelle de 1 minute d’arc admis pour l’œil humain soit une résolution de 300 dpi). Or la restitution sur écran et les capacités d’interactions qu’elle autorise pulvérise ce principe simple. L’ultra-qualité imprimée pourrait ne devenir vite qu’un avatar d’une hyper qualité d’acquisition, qui permettra des recadrages extrêmes dans l’image (fixe ou animée), des possibilités d’amélioration au gré des désirs (du créateurs et des observateurs), mais aussi une exploration des moindres des détails d’une photographie en pénétrant toujours plus avant dans celle-ci (à la manière des photographies de Jean-François Rauzier (que l’on peut découvrir en cliquant ici). La profondeur d’analyse des moteurs de reconnaissance devenant proportionnelle à la densité d’informations enregistrées, l’indexation automatique des éléments représentés sur celle-ci s’en trouvera facilitée (voir la plus grande photo de foule tagguée encore manuellement en cliquant ici).

Les images de GoogleEarth en 2005 ont préparé les photographes professionnels à cet avenir ;  il faut se rendre à l’évidence, celui-ci les rattrape. Après la vidéo HD et la 3D qui font l’actualité, l’hyper-résolution pourrait être le prochain dossier à saisir.  Une spécialité qui les rapprochera de la culture d’hyper-qualité sur laquelle ils ont assis leur crédibilité.


Vidéo HD sur reflex : fin de la phase pionnière

22 septembre 2010

Le nouveau reflex amateur Nikon D7000 réalise la mise en point en continu en vidéo (comme les Sony Alpha 33 et 55) : la vidéo HD 1080p des reflex n'est plus réservée aux experts.

Le fait

Le succès commercial du mode vidéo HD sur les reflex à grand capteur oblige aujourd’hui les fabricants à généraliser ce mode d’enregistrement sur l’ensemble de leurs reflex. Derniers en date, les Nikon D7000/D3100,  Canon EOS 60D, Sigma SD-1, Olympus E-5, Pentax K-R et K5, Sony Alpha 33 et 55 renforcent la présence de ces appareils photo champions de vidéo dans les vitrines. Cet automne près d’une vingtaine de reflex et d’appareils hybrides disposeront d’un mode vidéo HD sur grand capteur (APS-C, 4/3, NX et plein format 24 x 36) et fin 2011, ces deux familles d’appareils offriront tous un mode vidéo HD 1080 p. Face à cette intrusion, le monde de la vidéo s’organise : le caméscope Sony Nex VG 10E à objectif interchangeable et grand capteur APS-C a été présenté au cours de l’été, tandis que Panasonic annonce son modèle AG-AF100 à capteur 4/3 pour décembre.

Le décryptage

Bien qu’il n’ait pas été le premier (le Nikon D90 l’a précédé de peu), l’histoire retiendra que l’EOS 5D Mark II —lancé en septembre 2008— a introduit une rupture dans le monde du tournage vidéo professionnel. Pour la première fois, un appareil reflex devient bien plus qu’une alternative à l’utilisation d’un caméscope professionnel : une solution inédite et économique pour obtenir des images comparables à celles produites par une caméra cinéma 35 mm !

Son statut d’appareil photo aura obligé les photographes professionnels à s’ouvrir à l’image animée et les vidéastes professionnels à reconsidérer l’esthétique « pauvre » des images produites par leurs caméscopes à « petits » capteurs : les premiers y ont intérêt pour adapter leur production à la généralisation de la diffusion sur écran ; les seconds y trouvent un moyen d’améliorer la qualité de leur travail.  Quand à la distribution photo, elle profite de cet engouement vers des modèles à forte valeur ajoutée, tout en profitant d’une nouvelle niche de marché d’accessoires de tournage (crosses, follow-focus,  grips, steadycam, microphones, etc.). Mais l’arrivée de reflex à mise au point continue en vidéo va clore cette phase pionnière, en permettant un usage très simplifié de ces outils alors qu’aujourd’hui encore la contrainte de mise au point manuelle en reportage réserve ces reflex aux seuls photographes experts*.

(*) Pour une parfaite maîtrise des contraintes de tournage avec les EOS 5D, 7D, 1D, on ne saurait trop recommander la lecture de l’excellent ouvrage du réalisateur/photographe Sébastien Devaud « Tournez en vidéo HD avec les reflex Canon » qui vient de faire paraître aux Editions Eyrolles (39,50 euros).


Les photographes face au défi de la 3D

22 septembre 2010

La 3D, leitmotiv stratégique des marques de l'EGP afin de créer un nouveau levier de croissance. Comment le photographe peut-il profiter de ce dynamisme autour de l'image 3D ? (Doc. Sony)

Le fait

La 3D s’invite sur le marché du divertissement de masse. Un départ en douceur en France : GfK estime qu’il se vendra cette année quelques 120 000 téléviseurs 3D malgré  la forte concurrence des téléviseurs connectés. Une goutte d’eau en regard des 9 millions de téléviseurs qui seront vendus en 2010 (+22 % en volume !). La part de la 3D reste donc faible cette année (1,3 % en volume). Positionnés haut de gamme les premiers téléviseurs 3D restent chers et les contenus sont encore rares, c’est pourquoi seuls les consommateurs pionniers franchissent le pas. Toutefois le phénomène d’adoption va vite s’accélérer les téléviseurs devenant tous progressivement 3D, la montée des volumes fera baisser leur prix : en 2015, la moitié des téléviseurs proposés à la ventes dans le monde seront 3D selon Fuji Chimera Reseach Institute. En France, ce seuil pourrait être atteint dès 2013.

Le décryptage

La 3D est un rouleau compresseur marketing qui rend toutes objections des cinéphiles vaines. Inéluctablement, la 3D s’imposera partout car la nécessité de nouvelles expériences de divertissement (cf. notre post du 1er décembre 2009 sur l’essai de René Barjavel) se conjuguent avec le besoin de leviers de croissance aussi bien pour les industriels de l’électronique (Sony, Samsung, Panasonic, LG…) que pour les majors du cinéma américain (Walt Disney Studio, Time Warner, Paramount, etc.) ou encore les canaux de diffusion (UGC, Pathé, MK2, mais aussi les opérateurs de télévision).Une fois la remise en question de son avenir écartée, quid de la 3D pour le marché de la photographie ? Et comment les entreprises de photographie peuvent-elles se saisir de cette spécialité, pour en faire elles aussi un levier de croissance ?

Il faut avouer que les auteurs photographes, normalement aux avant-postes de la création, ne semblent pas se passionner pour la stéréoscopie : aucune œuvre 3D n’aura été présentée cette année dans les deux festivals photo majeurs en France (Rencontre d’Arles et Visa pour l’image) et il est à craindre que Paris-Photo n’en montre aucune en novembre prochain. La photokina aura ouvert cette année dans son espace culturel, 500 m2 dédiés aux développements créatifs de la photo 3D (sans doute à la demande des exposants). Du côté des fabricants impliqués à la fois sur les marchés photo et TV, une rapide montée en puissance s’impose. Fujifilm, seule marque photo à promouvoir la 3D avec sa formule de compact stéréoscopique, sort de son isolement avec l’arrivée de Sony et Panasonic sur le terrain de la stéréoscopie. Le premier, par voie logicielle pour les Nex 3/5, DSC TX9/WX5 et Alpha 33/55 ; le second grâce à un nouvel objectif 3D de 12,5 mm de focale destiné aux Lumix G. Les deux électroniciens choisissent donc des solutions ultra-compactes facilement acceptables par les consommateurs moyennant quelques limites : chez Sony, le mode 3D nécessite un balayage du sujet comme en mode panoramique (incompatible avec les sujets en mouvement rapide) tandis que Panasonic permet la prise de vue de sujets en mouvement grâce à un double objectif (très peu lumineux par conception — f/12 ! ) et doit renforcer numériquement l’effet 3D pour compenser le faible écart entre les axes optiques des deux objectifs. L’un et l’autre parviennent à des résultats bluffants sur écran !

La 3D sur support imprimé reste une curiosité que l’hebdomadaire Gala aura mis à profit avec brio dans son édition du 15 septembre. Un coup qui renforce l’aspect gadget de la vision stéréoscopique ? Sans doute lorsqu’il s’agit de presse papier, mais qu’en sera-t’il lorsque les quatre écrans* diffuseront des contenus en majorité 3D pour tenir en haleine le consommateur d’informations et de divertissements ? Si ces besoins émergent, les photographes doivent se tenir prêt à livrer leurs photos aux organes de presse en format 3D (en stéréo natif ou après retraitement  2D>3D) pour alimenter les écrans de nos téléviseurs, de nos smartphones et autres ipad ? La prise en compte de la spécificité 3D (éclairage, étagement des plans, netteté des images, sujets coupés…) sera pour les photographes aguerris à cette spécialité,  un avantage concurrentiel déterminant. Reste maintenant à s’en convaincre, à se former, et expérimenter comme pour la vidéo HD il y a quelques mois !

(*) Les quatre écrans : TV, PC,  cinéma et mobile.