Un hamburger à votre image !

25 juin 2010

Chaque emballage de hamburger personnalisé, c'est le défi relevé par Burger King au Brésil.

Le fait

Au Brésil, l’opération « Whopper Face » lancée par l’agence Ogilvy dans les restaurants Burger King génère du buzz. Il s’agit d’une  expérience étonnante de personnalisation destinée faire vivre sa base line « Have it your way » (« A ta convenance ») : chaque emballage de hamburger est décoré avec le portrait du client qui l’a commandé ! Une série de caméras installées derrière les comptoirs de commandes délivrent les portraits aux imprimantes qui personnalisent en temps réel les papiers sulfurisés utilisés pour emballer les hamburgers.

Le décryptage

Les industriels de l’alimentaire sont comme les autres : ils doivent absolument trouver des artifices pour personnaliser leurs produits. Si la variété gustative trouve ses limites en introduisant une complexité de l’offre vite contre-productive dans un restaurant, le simple visage du client imprimé sur le produit qu’il aime, suffit à créer une expérience positive. Peu importe la qualité visuelle de la photo, l’attention portée à chaque individu par la prouesse qui consiste à lui attribuer « son » hamburger par l’impression de son portrait sur son emballage est très suffisante pour créer l’émotion, donc une expérience positive en faveur de la marque. Décidemment, le portrait semble plus que jamais une valeur sure dans une ère décidément vouée à l’individuation, et où la représentation de soi est un outil d’expérience essentiel au marketing.


Un été sur un transat

25 juin 2010

Faire jouer toute la palette des usages de la photographie pour générer surprise et intérêt des consommateurs.

Le fait

L’atelier Le Mée,  société  rennaise spécialisée dans l’impression sur tissus, produit depuis deux ans des transats dont l’assise en toile polyester est personnalisable. L’entreprise , plus connue sous l’appelation  commerciale Eurodrapeau (14 salariés, 1,7 million d’euros de CA) utilise pour cela des imprimantes grand format Mimaki à encres pigmentaires traitées anti-UV . L’Atelier Le Mée travaille principalement avec les agences de communication dont les besoins d’objets textiles personnalisés sont importants, mais également pour les particuliers : le transat photographique est vendu 74,42 euros HT à l’unité. Co-gérant de l’entreprise M. Delambert indique travailler fréquemment pour des photographes professionnels pour lesquels il réalise des kakémonos utilisés en décoration de magasins notamment. Aujourd’hui il suffit de télécharger les photos sur site de l’entreprise après avoir créé un compte (www.eurodrapeau.com), mais bientôt un site dédié à la décoration verra le jour (moquette, tissus, parasol, abat-jour personnalisés…).

Le décryptage

Moteur de la consommation à forte valeur ajoutée, la personnalisation impose de multiplier une offre photographique foisonnante, inventive, créative afin d’étonner et séduire. Dans le modèle économique de la vente d’objets photographiques (cf. notre dernier post du 8 juin « Disruption sur la consultation »), le tirage restera dominant, mais ne doit pas être le seul support à la créativité des photographes professionnels. L’univers de la décoration garde un potentiel élevé, pas seulement avec les photographies produites par les consommateurs, mais également avec celles créées spécifiquement pour habiller les objets du quotidien (plateau de table basse, paravent, abat-jour, mais également tapis, adhésif pour portes de frigo…). La multiplicité des supports imprimables donne la mesure de la diversité des applications possibles, les limites étant celles de l’imagination. Attrait visuel, singularité et émotion doivent être les objectifs… le marché de la photo professionnelle doit pouvoir emprunter d’autres chemins que celui de la photo d’art pour créer une valeur ajoutée élevée.


Service de transfert 2.0

25 juin 2010

En introduisant une possibilité d'interaction des consommateurs via Internet sur leurs images transférées, Forever a pris en cinq ans le leadership du marché du transfert. Aujourd'hui la marque analyse la relation entre les Français et leurs souvenirs afin d'augmenter sa pertinence marketing.

Le fait

En cinq années, Forever (5 millions d’euros de CA en 2009, 60 salariés)  est devenue une société leader en France sur le marché du transfert des archives photo-vidéo amateur. Sa force est d’avoir associé la prestation traditionnelle de transfert à celles de chapitrâge et d’illustration sonore en ligne : une fois les images numérisée/transférées en laboratoire, le client peut les visionner et les organiser selon ses désirs ou encore ajouter des fonds musicaux ou des commentaires en toute simplicité. Une fois validé, le contenu est transféré sur DVD puis livré avec les originaux aux clients dans l’un des 650 points relais ou par porteur UPS.

Fort de ce leadership, Forever a fait réaliser une étude « Souvenirs des Français 2009-2010 » afin de mieux connaître les comportements de ses clients. On y apprend qu’après un transfert, un quart des consommateurs regarde une fois leur DVD, et un autre quart deux fois tandis qu’un tiers les regarde plus de trois fois !  Que le DVD qui rassemble les souvenirs est dans six cas sur dix destiné au client lui même, mais que près de  quatre clients sur dix en font une copie pour l’entourage. Le passage à l’acte d’achat est déclenché par la crainte de perdre ses souvenirs (pour 33 % des clients),  ou l’absence de lecteur compatible (28 %). Le décès d’un proche ou une naissance sont deux facteurs spontanément cités (respectivement trois clients  sur dix, et deux clients sur dix) qui conduisent à confier des images souvenir à Forever. Les facteurs « confiance » et « proximité » viennent derrière celui du prix qui reste l’élément moteur dans le choix du prestataire. Autre découverte, seulement 55 % des personnes interrogées considèrent leur anciennes photo comme « patrimoine familial », 21 % les organisent, mais 14 % les considèrent comme « importantes  mais sans plus », 8% les considèrent comme des « vieux trucs », 1%  « n’en n’ont pas ».

Le décryptage

En pleine période de rupture technologique, la préservation des archives familiales devrait générer un business à la (dé)mesure des archives familiales des foyers français : quelques dizaines de milliards de photos ! Finalement, il n’en est rien.  C’est que ce marché s’inscrit —comme le souligne les conclusions de l’étude —,  dans une logique négative : les événements qui poussent à la numérisation des souvenirs sont liés à la crainte de les perdre définitivement ou de ne plus pouvoir y avoir accès (par la disparition d’un lecteur compatible). Le décès d’un proche est une raison qui pousse 29 % des clients à procéder à un transfert… La difficulté psychique de se tourner vers le passé en le documentant à partir d’archives mal classées (dans 75% des cas !) fait le reste. Pourtant l’innovation technique (le Web 2 .0) et marketing (les packs prêts-à-l’usage) a su réveiller ce segment. Et le succès de Forever le prouve, en introduisant une possibilité de co-production par le consommateur via l’Internet. Reste aux magasins à mettre à profit la proximité avec le consommateur, car l’étude indique également que les points relais doivent être assimilés à de véritables tiers de confiance pour que les consommateurs passent à l’acte. Une vie photographique ne se confie pas à n’importe qui !

A noter, le service Forever destiné aux professionnels ( http://www.forevergroup.com).


L’écran s’impose

25 juin 2010

Depuis 2008, les 15-24 ans passent plus de temps devant les « nouveaux écrans*» que devant la télévision… les 24-35 suivent leur exemple (source : Etude du Ministère de la Culture et de la Communication dans "Pratiques culturelles des Français en 2008" ).


Un quart des ordinateurs vendus aux Etats-Unis en 2015 seront des tablettes selon une étude du cabinet américain Forester Research.

Le fait

La cinquième édition de l’enquête sur « Les pratiques culturelles des Français », délivrée en mai dernier par le Ministère de la Culture et de la Communication, donne la mesure des transformations opérées en dix ans en France dans le domaine de la culture et des médias. Parmi celles-ci la consommation d’informations et de divertissements sur écran (télévision, ordinateur, « nouveaux écrans »…) atteint des sommets (32 heures en moyenne pour les hommes, 30 heures pour les femmes). Et cette étude close en 2008 ne prend pas encore en compte la montée des Smartphones (et encore moins le boom annoncé des tablettes). Constat : les 15-24 ans ont d’ores et déjà opté pour les nouveaux écrans… au détriment de la télévision et le phénomène se propage aux 24-35 ans qui, selon toute probabilité en 2010, sont déjà passés aux « nouveaux écrans » majoritairement. Ce constat français pourra paraître tiède au regard des prévisions du cabinet Morgan Stanley qui estime que le téléphone mobile dépassera les ordinateurs portables en nombre d’internautes dès 2013 dans le monde (consulter cette étude en cliquant ici).

Le décryptage

En devenant des consommateurs, les digitals natives font basculer l’économie de la culture vers les écrans. Le phénomène s’accélère donc, et s’il fallait s’en convaincre, il n’est qu’à  reprendre les derniers chiffres symboliques qui l’attestent : la vente de trois millions de tablettes ipad, après seulement 80 jours de commercialisation mondiale, ou encore l’explosion annoncée des ventes de + 48 %  sur les Smartphones en France (source Comscore Mobiles) et enfin la croissance prévisionnelle de + 19,8 % sur les ventes d’ordinateurs en 2010 selon IDC…  Un emballement, au moment même ou Pressaliss (ex NMMP)  qualifie 2009 « d’année de rupture » pour la distribution de la presse papier : – 10% sur les mensuels, – 6,6 % sur les hebdo, – 3,3 % sur les quotidiens (en valeur).

Pour les organisations qui n’auraient pas encore pris la mesure de ce raz de marée, un « plan écrans » ne sera pas superflu. Nous l’avons en effet largement évoqué, la spécificité de l’écran impose des modalités nouvelles de diffusion de la photographie. De l’expérimentation à la découverte de bonnes pratiques, jusqu’à l’émergence d’un modèle économique pour la profession, le chemin peut être long. Or la rapidité d’adoption des écrans n’a jamais été aussi rapide tandis que l’industrie est prête à en diffuser par… milliards !

(*) « Nouveaux écrans » : consoles de jeux et ordinateurs (ou consultation de vidéo quelque soit l’écran). Selon l’étude « Les Pratiques culturelles 2008 des Français (DEPS – Ministère de la Culture et de la Communication).

Eloge du visage

8 juin 2010

Vertige autour d'un portrait sans visage, qui paradoxalement permet de mieux penser le rôle singulier du portraitiste. © Ajancso

Le fait

Le 19 mai en Conseil des ministres, Nicolas Sarkozy s’est prononcé pour une loi portant sur l’interdiction du port de la burqa dans les lieux publics. Politiquement « sensible » le débat aura opposé ceux qui estimaient le sujet stigmatisant pour les musulmans de France et les défenseurs de la liberté des femmes tandis que les autorités rappelaient la nécessité sécuritaire de dévoiler les visages afin de pouvoir identifier facilement les personnes évoluant dans l’espace public.

Le décryptage

Jamais les grands titres n’auront faits autant la part belle à la question du visage. Non pas sa présence, mais son absence. Celle qu’un vêtement abolit, pour les desseins obscurs d’une mise sous tutelle des femmes au nom d’alibis religieux d’un autre âge. Que certaines femmes pensent y trouver le bénéfice d’une affirmation religieuse et communautaire, ne justifie pas qu’il faille laisser leur extrémiste de mari poursuivre leur prosélytisme névrosé.

Les photographes le savent, les portraitistes plus encore, le visage est une irremplaçable fenêtre sur l’autre dont ils ne cessent de vouloir mettre en lumière les secrets. Que le portrait vienne à manquer sur un profil Facebook et l’on se demande comment « l’absent » concilie volonté de communiquer et si grande réserve à se (re)présenter. A moins que ce refus ne confine à la névrose, ou que l’exhibitionniste des peoples dont les visages deviennent des logos à force d’expositions, ne viennent les convaincre que ce logerait là trop d’impudeur…

Et ce n’est pas un photographe qui prendra par les mots la défense des « sans visage », mais naturellement un écrivain et auteur-compositeur, Yves Simon. Dans un article intitulé « Visage, mappemonde de l’au-delà » publié dans Le monde daté du 13 mai, celui-ci évoque avec talent et élégance l’importance à accorder au visage. En le faisant, il redéfinit avec brio le cœur de métier du photographe portraitiste. Pas moins.

A lire  également : «  Le pouvoir des visages » par André Rouillé.


Citadium, EDF… et le portrait noir et blanc

8 juin 2010

Plus que jamais, le portrait garde la faveur des publicitaires.

Le fait

Le magasin Citadium situé au cœur du quartier des grands magasins parisien appuie sa décoration sur des mosaïques géantes de portraits noir et blanc. Celles-ci sont le fruit d’une collecte opérée par Internet auprès des clients volontaires de  l’enseigne, complétés par des photos libres de droits. Le tout est monté par le service graphique interne de Citadium qui s’est livré à la colorisation de certains portraits dans un style Street Art revendiqué.

Le décryptage

« Tout est fait dans le magasin pour être plus proche de notre clientèle » explique Amandine Piriou, la directrice de la communication de Citadium. « Il existe des murs d’expression afin de donner la parole à nos clients dans une démarche Street Art car les clients doivent se reconnaître, c’est essentiel » poursuit-elle. Les portrais qui « habitent » l’espace de vente sont donc là pour renvoyer une image de proximité aux milliers de visiteurs quotidien du concept store parisien.

Le portrait noir et blanc est à l'honneur chez EDF pour humaniser la marque © Geoffroy de Boismenu.

A une échelle plus ambitieuse, — et à un coût de production très supérieur—  même démarche du côté d’EDF avec sa campagne corporate presse, TV et affichage mettant en scène des personnalités, des salariés du groupe ou des élus qui plaident pour « Changer l’énergie ensemble » (une campagne signée Euro RSCG C&O). Là encore, portrait + noir et blanc = proximité/vérité.

Le portrait est donc à l’honneur partout où il s’agit de créer de la confiance. L’usage du noir et blanc devient métaphore de la vérité en supprimant l’artifice de la polychromie La campagne « Venez comme vous êtes » n’en reste pas moins efficace (voir notre post du 3 février 2009) avec  l’incontournable attrait de la couleur que MacDonald porte dans ses gènes. La recrudescence des campagnes utilisant le portrait doit interroger les portraitistes professionnels : pour répondre au mieux aux attentes du grand public, doivent-ils rechercher l’artifice créatif que les portraitistes australiens ou américains sont capables de porter commercialement, revisiter une esthétique du sacré (comme chez Harcourt) ou rechercher une simplicité « à la française »  synonyme de vérité et d’intemporalité.


Disruption sur la consultation

8 juin 2010

Le iPad symbolise le passage à l’ère d’une consultation généralisée de l’information sur écran.

Le fait

Le lancement de l’ipad est perçu par la presse comme une opportunité inespérée de conversion à un modèle payant crédible. La tablette connectée à Internet en mode WiFi ou 3G permet de consommer du contenu texte et multimédia via iTunes, gratuitement ou en mode payant. Sa simplicité d’usage, la taille de son écran de consultation (16 x 21 cm), sa finesse (13 mm) et son autonomie (10 heures), constituent autant d’atouts qui plaident pour son usage comme terminal de consultation alternatif à l’imprimé. Mais le modèle pourra-t-il profiter aux photographes ?

Le décryptage

La formule de micropaiement au contenu consommé est pressentie comme la martingale du futur pour l’industrie de l’information. Pourquoi ?  Parce que cette formule  respecte les besoins des consommateurs en introduisant une grande souplesse entre achat d’impulsion et consommation raisonnée. Le modèle de l’iphone/iTunes avec ses milliards d’applications payantes téléchargées donne la mesure du phénomène dans un monde Internet que l’on disait voué à la gratuité.

Comme l’analyse avec une grande justesse Hubert Guillaud*, blogueur pour lemonde.fr, en matière de consommation de contenus sur Internet trois modèles économiques coexistent :

– l’achat unitaire,

– l’abonnement,

– la gratuité (le don ou le paiement par la publicité, le mécénat ou le sponsoring).

Pour la photographie, le modèle qui s’est imposé sur l’Internet est celui de la gratuité au grand dam des professionnels. L’achat unitaire (en fait un droit d’usage sous le régime du droit d’auteur) qui assurait la prospérité des agences et des photographes dans le monde physique, reste un modèle économique valide en numérique… mais celui-ci a été capté par les sites low-cost et les deux géants mondiaux (Getty Images et Corbis). Enfin l’abonnement est une formule qui se développe en BtoB avec des effets de destruction massive de valeur…

Ce bilan sombre pour les photographes professionnels peut être revisité sous un jour plus favorable si l’on estime que les photographes, acteurs du marché de l’immatériel, interviennent dans un cadre régit également par trois modèles économiques plus larges comme les définit Jean-Michel Salaun ** :

– vendre des biens : en « accrochant » l’information au support pour la diffuser. C’est le modèle économique de la photo d’art, des photographes événementiels et des portraitistes… (ces marchés restent toujours majoritairement dominés par les réseaux physiques).

– vendre de l’attention : en incitant les internautes à rester connectés. L’attractivité d’un ensemble de photos ou mieux, la construction d’une narration photographique — linéaire (Pœm) ou délinéarisé (Webdocu)—, sont des moyen de capter une audience et la maintenir en ligne sur le site… L’ipad y contribuera, et les photographes doivent donc apprivoiser rapidement les comportements d’usages des tablettes nomades pour réaliser des produits adaptés.

– vendre de l’accès : en mutualisant une masse d’informations (fonds photographiques, collections, archives…) afin d’apporter un service éditorialisé qui conduit les internautes à s’abonner.

Pour les photographes, l’arrivée de la consultation nomade impose donc de composer avec ces trois modèles : vendre sur Internet (et dans la vie réelle) des objets qui portent leur création (photographie d’art, albums/livres et objets de décoration), vendre aux marques en recherche d’audience des produits multimédia interactifs (Pœms et Webdocus) et enfin éditorialiser les archives afin de  les rendre disponibles via des sites d’informations payants à très forte audience.

(*) Voir l’article du blogueur Hubert Guillaud sur les modèles économiques du livre électronique en cliquant ici.

(**) Jean-Michel Salaün : professeur de biblioéconomie et des sciences de l’information à Montréal. Voir son cours sur cette question en cliquant ici.