Le iPad symbolise le passage à l’ère d’une consultation généralisée de l’information sur écran.
Le fait
Le lancement de l’ipad est perçu par la presse comme une opportunité inespérée de conversion à un modèle payant crédible. La tablette connectée à Internet en mode WiFi ou 3G permet de consommer du contenu texte et multimédia via iTunes, gratuitement ou en mode payant. Sa simplicité d’usage, la taille de son écran de consultation (16 x 21 cm), sa finesse (13 mm) et son autonomie (10 heures), constituent autant d’atouts qui plaident pour son usage comme terminal de consultation alternatif à l’imprimé. Mais le modèle pourra-t-il profiter aux photographes ?
Le décryptage
La formule de micropaiement au contenu consommé est pressentie comme la martingale du futur pour l’industrie de l’information. Pourquoi ? Parce que cette formule respecte les besoins des consommateurs en introduisant une grande souplesse entre achat d’impulsion et consommation raisonnée. Le modèle de l’iphone/iTunes avec ses milliards d’applications payantes téléchargées donne la mesure du phénomène dans un monde Internet que l’on disait voué à la gratuité.
Comme l’analyse avec une grande justesse Hubert Guillaud*, blogueur pour lemonde.fr, en matière de consommation de contenus sur Internet trois modèles économiques coexistent :
– l’achat unitaire,
– l’abonnement,
– la gratuité (le don ou le paiement par la publicité, le mécénat ou le sponsoring).
Pour la photographie, le modèle qui s’est imposé sur l’Internet est celui de la gratuité au grand dam des professionnels. L’achat unitaire (en fait un droit d’usage sous le régime du droit d’auteur) qui assurait la prospérité des agences et des photographes dans le monde physique, reste un modèle économique valide en numérique… mais celui-ci a été capté par les sites low-cost et les deux géants mondiaux (Getty Images et Corbis). Enfin l’abonnement est une formule qui se développe en BtoB avec des effets de destruction massive de valeur…
Ce bilan sombre pour les photographes professionnels peut être revisité sous un jour plus favorable si l’on estime que les photographes, acteurs du marché de l’immatériel, interviennent dans un cadre régit également par trois modèles économiques plus larges comme les définit Jean-Michel Salaun ** :
– vendre des biens : en « accrochant » l’information au support pour la diffuser. C’est le modèle économique de la photo d’art, des photographes événementiels et des portraitistes… (ces marchés restent toujours majoritairement dominés par les réseaux physiques).
– vendre de l’attention : en incitant les internautes à rester connectés. L’attractivité d’un ensemble de photos ou mieux, la construction d’une narration photographique — linéaire (Pœm) ou délinéarisé (Webdocu)—, sont des moyen de capter une audience et la maintenir en ligne sur le site… L’ipad y contribuera, et les photographes doivent donc apprivoiser rapidement les comportements d’usages des tablettes nomades pour réaliser des produits adaptés.
– vendre de l’accès : en mutualisant une masse d’informations (fonds photographiques, collections, archives…) afin d’apporter un service éditorialisé qui conduit les internautes à s’abonner.
Pour les photographes, l’arrivée de la consultation nomade impose donc de composer avec ces trois modèles : vendre sur Internet (et dans la vie réelle) des objets qui portent leur création (photographie d’art, albums/livres et objets de décoration), vendre aux marques en recherche d’audience des produits multimédia interactifs (Pœms et Webdocus) et enfin éditorialiser les archives afin de les rendre disponibles via des sites d’informations payants à très forte audience.
(*) Voir l’article du blogueur Hubert Guillaud sur les modèles économiques du livre électronique en cliquant ici.
(**) Jean-Michel Salaün : professeur de biblioéconomie et des sciences de l’information à Montréal. Voir son cours sur cette question en cliquant ici.