Naissance d’un nouveau marché

24 février 2010

Sony a dévoilé un prototype d’ultra-compact à objectif interchangeable et capteur APS-C à la PMA d’Anaheim. La conquête de ce nouveau marché par les grands de l’EGP se fera à coup d’innovations ce qui profitera au secteur.

Le fait

Les nombreuses annonces faites du 21 au 23 février lors de la PMA d’Anaheim (sud-est de Los Angeles) et celles déjà dévoilées depuis le début janvier démontrent l’extrême dynamisme des fabricants qui préparent tous leurs armes de séduction massive sur le nouveau marché des compacts à objectif interchangeable (Ricoh, Sony, Panasonic, Samsung, Olympus…). Ce segment va devenir une vitrine de l’innovation car il est promu par des marques qui comptent toutes bien pénétrer le marché des reflex à objectifs interchangeables, que Canon et Nikon trustent en représentant près de 80 % de parts de marché en France. De  8500 pièces en 2009 ce marché pourrait passer à 60 000 pièces en France selon les prévisions de GfK citées par photobusiness.fr. La question qui reste posée : ce marché va-t-il toucher une nouvelle clientèle ou se développer au dépens des compacts haut de gamme et des reflex ?

Le décryptage

Les compacts de reportage à objectif interchangeable ne sont pas une invention nouvelle (rappelons pour mémoire les Olympus Pen F-1963, Leica CL-1973, Minolta CLE-1980…), mais peu de prévisionnistes se seraient risqués à parier sur leur retour au vu des chiffres de ventes que ces ancêtres étaient parvenus à atteindre au siècle dernier ! Evidemment, les conditions de la réintroduction du concept sont incomparables. Et notamment à cause des acteurs qui sont à la manœuvre : Panasonic, Samsung et Olympus. Ceux-ci recueillent sur le marché des reflex la part du pauvre du fait d’une position dominante de Canon et Nikon. Il apparaît donc comme stratégique pour ces trois marques d’ouvrir une nouvelle voie qui viendra élargir l’offre… et créer un nouveau marché à leur profit. Pour Sony, il était moins urgent d’aller vers cette offre alternative que de renforcer sa bonne position sur les reflex avec sa gamme Alpha (14 % de parts de marché en France selon GfK). Mais la découverte d’un prototype de compact à la PMA (voir description sur www.photobusiness.fr) rappelle que le géant  japonais n’entend pas prendre du retard face à Panasonic et Samsung. Les consommateurs arbitreront autour d’une offre qui promet d’être l’une des plus innovantes car elle engagera toute l’énergie des trois géants de l’électronique grand public pour lesquels il est stratégique de se placer sur le marché de la haute qualité photographique (encore incarnée aujourd’hui par le reflex). L’année 2010 promet donc d’être réjouissante pour les distributeurs photo comme pour les consommateurs.


Entrée dans une nouvelle ère marketing

24 février 2010

Le Canon PowerShot G11 sonne le glas de la dictature du méga-pixels. Donc le début d’une nouvelle ère marketing centrée sur les bénéfices d’usages.

Le fait

On ne le soulignera jamais assez. C’est Canon qui — en septembre 2009 par la sortie de son Powershot G11— aura mis fin à la course au pixels, avatars d’une trop simpliste assimilation marketing entre qualité et nombre de pixels. Le message ne pouvait être plus clair : l’appareil des amateurs experts, voyait sa résolution limitée à 10 millions de pixels au lieu des 14,7 millions pour son prédécesseur le G10 ! Bien que tout le monde admettait que pour les usages traditionnels, rien ne justifiait des résolutions très supérieures à dix millions de pixels, le marketing ne pouvait se résoudre à changer d’époque. Canon a franchi le cap, car d’autres priorités attendaient. Et les concurrents ont suivi, ce que les gammes 2010 viennent seulement de confirmer.

Le décryptage

L’adage selon lequel « qui peut le plus peut le moins » ne se vérifie pas pour les capteurs photo : les 14 millions de pixels sont au compact ce que les 240 kms/heure sont à la bonne routière. Inutiles…si ce n’est pour l’égo. Voire une source de questionnement pour les consommateurs bien informés. Une fois le message passé par Canon avec son G11, les fabricants ont pu effectuer un report de technologie sur des atouts bien plus essentiels pour le consommateur. Réduction du prix (qui reste le facteur n°1 de l’acte d’achat), augmentation de la qualité d’image (réduction du bruit et amélioration de la chromie des fichiers bruts), augmentation de la sensibilité (pour photographier n’importe comment à tout moment), gestion de la vidéo HD (car la photo, c’est terriblement immobile à l’heure des écrans !),  reconnaissance du contenu de l’image (pour pouvoir gérer la mise au point sur la bonne personne, mais également  indexer automatiquement les photos pour mieux les partager) ou encore optimisation en temps réel des photos (pour entre autres corriger les défauts optiques) … bref les ressources du microprocesseur des appareils peuvent désormais être affectées à d’autres priorités et cesser de produire des fichiers de plus en plus lourds pour des consommateurs qui agrandissent de moins en moins leurs images … et tant pis pour les discours marketing distillés auparavant !


Baisse des tirages, boom des produits personnalisés

24 février 2010

Pour Future Source Consulting l'album personnalisé reste LA valeur sure des prochaines années sur le secteur des services photo. (*) Gifts = objets photographiques personnalisés

Le fait

D’après le cabinet Future Source Consulting la France a enregistré pour la première fois une baisse de l’activité tirage photo : celle-ci reste toutefois limitée à -7% en volume (dont – 4 % provoqués par le recul des films photo), et cela pour tous les supports et toutes les solutions de tirage/impression (impression à la maison, façonnage centralisé, en ligne, et en magasin). L’impression personnelle perd à nouveau des parts de marché en ne représentant que 29 % du total des photos tirées/imprimées. Les sites de tirage en ligne pèsent 17 % du marché. Les magasins gardent une position forte avec 50 % de part de marché (toutes solutions confondues dont les kiosques). Dans le même temps, les albums photos personnalisés ont enregistrés en 2009  une hausse de 50 % en volume pour un chiffre d’affaires en hausse de 43 %. Les calendriers et objets personnalisés seraient restés stables en valeur.

Ce succès des albums ne compense toutefois pas la perte de valeur dû au recul des tirages. Cette étude confirme que le tirage reste l’activité dominante du secteur du façonnage en représentant 96 % de son chiffre d’affaires global (évalué par Future Source Consulting à 239 millions d’euros en 2009).

Le décryptage

La baisse des tirages numériques de -3 %  en volume en 2009 vient contredire bon nombre d’études volontaristes dont les auteurs voulaient croire que la culture du support papier et le plaisir de disposer d’un tirage manipulable se perpétueraient en garantissant une progression de l’activité pour de très nombreuses années. C’était sans compter trois facteurs : la gratuité du numérique qui impose l’écran comme norme de consultation des photos ; le nouveau statut des photos personnelles dont la majorité sont devenues des véhicules de la conversation ; enfin le poids des échanges sur Internet via les réseaux de partage et communautaires. Pour s’en convaincre le seul  réseau social Facebook a assuré  en 2009 l’échange de 1,5 milliard de photos entre ses treize millions de membres en France, ce qui représente pas moins de 60 % des 2,5 milliards de photos tirées ou imprimées dans notre pays (selon Future Source Consulting). La comparaison s’arrête là, puisque d’un côté nous comptons des photos « conversationnelles » destinées à générer des échanges instantanés, de l’autre des photos-souvenirs dont le statut est patrimonial. Le mélange des genres ne pouvait que conduire à des prévisions rassurantes… mais erronées.

Reste les leviers de croissance puissants représentés par les produits photo personnalisés : albums, objets, calendriers, pêle-mêle, carte de vœux, etc. Ce marché fragmenté, se développe avec force en bénéficiant de la maturité numérique du grand public (au grand bénéfice des sites de services photo, qui traitent 81 % des volumes d’albums en France). Ce marché se nourrit de deux besoins du consommateur : gratification personnelle (plaisir de faire soi-même) et sociale (plaisir d’être en lien grâce à une création personnelle).

Pour les photospécialistes, la conséquence est sans appel : il devient urgent d’accélérer le passage du tirage à l’album (sachant que le client ne revient pas au tirage individuel une fois qu’il a goûté à l’album). Il s’agit de faciliter ce passage à travers une communication attrayante (oublié les « Libérez vos photos des disques durs ! »), des offres d’essai (effet whaou ! garanti), une assistance en magasin (car il faut éviter le découragement, cause d’une majorité d’abandons en cours de création…). Il s’agit également de promouvoir les créations personnalisées en grand format à l’occasion d’événements locaux, saisonniers ou culturels. Le tirage devient de plus en plus un objet d’exception et à ce titre, les magasins se doivent de répondre à cette envie d’exception par une approche adaptée à l’environnement et au contexte local.


La 3D* s’invite au congrès de l’UPC

5 février 2010

Jean-Bernard Debreux interviewé par Frédéric Buxin le 30 janvier lors du congrès de l’UPC : du papier à la réalité augmentée.

Le fait

Les photographes Lucien Clergue et Reza furent les deux invités vedettes du dernier Congrès de l’UPC qui s’est tenu les 30 et 31 janvier dernier dans les nouveaux studios photo Canalpix d’Aubervilliers .  Ce congrès aura entériné la fusion des deux entités UPC et Freelens au sein d’une organisation unique baptisée « Union des Photographes Professionnels »(voir les compte-rendus sur le site de l’UPC et de photographie.com en cliquant ici et ). Mais ces rencontres ont également été marquées par l’intervention de Jean-Bernard Debreux, responsable de Canalpix et directeur des systèmes d’informations d’Astuce productions : une société parisienne qui produit des photographies publicitaires 3D hyper-réalistes directement à partir des fichiers CAO des industriels…

Décryptages

Le développement de nouveaux modèles économiques imposent la remise en cause de pratiques traditionnelles, et leur émergence s’inscrit dans un continuum culturel : du diaporama de Lucien Clergue consacré à son œuvre, à la démonstration des processus métier permettant d’obtenir une photographie hyperréalistes à partir de fichiers filaires, le grand écart revendiqué par Frédéric Buxin pour cette première matinée de congrès,  illustrait idéalement la réalité d’un même métier : celui de photographe. Outre l’intérêt d’ouvrir le champ de la réflexion sur « Que signifie être photographe aujourd’hui ? »  et de donner une vision sur l’avenir proche de la photographie d’objet, cette programmation repose la question de la formation des professionnels aux pratiques émergentes et donc la vision des élites professionnelles sur leur  métier…

« Le risque de déclassement professionnel ne doit pas être craint », estime Jean-Bernard Debreux lorsque les photographes 3D interviennent dans le processus de création d’une image publicitaire sous Autocad ou Fusion 3D : « ce n’est pas un graphiste qui va faire la lumière » rappelle-t-il, rassurant l’auditoire… D’ailleurs, Astuce Productions qui réalise l’iconographie publicitaire de Citroën paie des droits aux photographes 3D comme s’il s’agissait d’une prise de vue « normale ». Et d’annoncer que chez Vuitton, le workflow photo s’appuiera bientôt sur des créations photographiques créées à partir des fichiers CAO. Cette étape franchie, celle de la Réalité Augmentée (RA) pourra se développer avec des applications extraordinaires comme celle développées pour la nouvelle Citroën Picasso (voir la vidéo en cliquant ici). Dans ces perspectives, une chose est certaine : la prise de vue traditionnelle n’est pas oubliée. Pour preuve, les investissements énormes que le créateur d’Astuce Productions, Marius Manzone, vient de réaliser pour créer 4 500 m2 de studios sur quatre niveaux à quelques minutes de Paris…

A lire également, l’interview de Jean-Bernard Debreux sous le titre « Astuce Productions va au-delà de la réalité » sur le blog de la rédaction de Industries &Technologies (cliquez-ici).
(*) Le terme 3D s’applique bien à la production par les moyens de traitements numériques d’images photo et vidéo réalistes. Cette désignation a été recyclée improprement pour désigner les procédés reproduisant l’effet de relief grâce à la stéréoscopie (avec ou sans lunettes) par l’industrie du divertissement. Selon le contexte, le sens affecté au terme est donc variable… et il faudra s’y faire !

Olympus et le défi de la simplicité

5 février 2010

Le nouvel Olympus Pen E-PL1 intègre une remarquable interface intuitive : une priorité pour toucher un public plus large.

Le fait

Olympus intègre sur son dernier bijou, le Pen E-PL1 un mode « Tips » (= astuces) qui rappelle les règles du cadrage, mais également un mode « Live Guide » qui permet d’accéder à une nouvelle interface via l’écran dorsal et les touches latérales.  Ce guide intuitif permet d’accéder à des réglages de base grâce à des pictogrammes et des barres de réglage (comme on le fait pour ajuster les réglages de son téléviseur). Pour la première fois le contrôle de la profondeur de champ devient accessible facilement en temps réel, grâce à une commande d’arrière plan « +net / + flou ».

Décryptage

Trente années d’automatismes ont lavé les cerveaux. Les trois principaux paramètres de prise de vue (vitesse/diaphragme/sensibilité) sont oubliés ou n’ont jamais été évoqués auprès des consommateurs. Ne le regrettons pas, la simplicité apportée par ces automatismes a été l’un des principaux facteurs de bonne santé de ce marché ! Rappelons que les « jetables » furent déterminants pour convertir à la photographie 10 % de la population (ramenant en France le taux de non-pratiquants de 25 % à 15 % au début des années 90). Mais comme pour les jetables, seule la technologie a permis d’avancer sur le terrain de la simplicité : il s’agissait à l’époque de disposer de films capables d’encaisser des écarts d’exposition de plus de six diaphragme et de savoir mouler des lentilles asphériques. Aujourd’hui la même problématique se pose en technologie numérique pour vulgariser les notions créatives complexes (dont le contrôle de la profondeur de champ fait partie) : capteurs de taille importante, zooms lumineux et économiques, processeurs véloces. L’enjeu est de taille puisque la motivation d’achat d’un appareil comme le Pen E-PL1 (qui sera vendu 549 euros boîtier nu en mars) se justifie par la satisfaction espérée en termes de résultats. Or personne n’ignore que la qualité d’une photographie ne s’évalue pas seulement d’un point de vue technique, mais … artistique (où justement la gestion de notions complexes de prise de vue intervient). En proposant cette nouvelle interface, Olympus, comme toutes les grandes marques de reflex, est face à un véritable défi : rendre simple à utiliser des appareils High Tech, qualitatifs et coûteux  afin que les consommateurs qui ne connaissent rien et ne veulent rien connaître puissent faire comme ceux qui savent. Et il serait suicidaire de laisser de côté cette cible si large et si éprise de photographie…


La reconnexion, moteur du marché !

5 février 2010

Une fête en 3D à distance "comme si vous y étiez" : Kodak annonce que les moyens numériques de demain permettront d'être en lien avec les autres à volonté. A l'image des réseaux sociaux d'aujourd'hui.

Le fait

Pour la présentation de sa nouvelle gamme de compacts, Kodak a rendu public le 29 janvier dernier les conclusions d’une étude de The Future Laboratory baptisée « The Future of the Reconnectivity » qui étudie en détails comment les moyens numérique en général et la photographie en particuliers répondent à notre besoin de reconnexion avec nos proches. Commentée par les sociologues Dominique Cardon (chercheur chez Orange Labs) et André Gunthert (Maître de conférences à  l’EHESS*) cette étude apporte pour la première fois la confirmation du rôle central tenu par les images sur l’émergence de la « famille numérique» composée de membres connectés.

Le décryptage

Totalement déconnectées de la fonction mémoire —qui tenait lieu de prétexte à la prise de vue amateur—, l’importance de la photo conversationnelle (dominante chez les public juvéniles comme le démontrait le baromètre API/Ipsos en 2009) a largement été sous-estimée — voire niée­ — par les acteurs du secteur photo qui voyaient mal quels profits ils allaient pouvoir en tirer (puisque leur modèle économique reposait principalement sur la matérialisation des photos sur support papier). De plus, elle profitait largement au monde de l’Internet en contribuant à une valorisation boursière sans précédent des sites communautaires.…

Le hasard veut que cette étude Kodak tombe au moment même où le cabinet Future Source Consulting et le paneliste GfK annoncent la première baisse du marché des tirages 10 x 15 en France et en Europe… Cette baisse de la consommation de tirages et le choix de délivrer cette première étude consacrée au rôle de la photo dématérialisée marque une rupture pour le secteur photo, et encore plus pour Kodak, habitué à promouvoir une culture de la photo sur papier.

Mais à toute chose malheur est bon : si les tirages souffrent, en revanche les ventes d’appareils photo progressent, enregistrant cette année un record historique en France : cinq millions d’unités, soit une croissance de 5 % en volume avec en prime une évolution de + 10 % en valeur !  L’Internet communautaire est donc bien devenu le moteur des ventes des appareils photo. Et le partage facile la valeur ajoutée de la photographie d’aujourd’hui. Vous avez-dit « Easy share » ?…

A découvrir : la synthèse de la table ronde Kodak du 29 janvier en vidéo en cliquant ici
(*) Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales.