Les chiffres de la photographie en France

28 Mai 2012

L’observatoire des professions de l’image édité par l’API* décrypte chaque année les tendances qui traversent le marché de la photographie. L’édition 2012 est parue début mai.

Pour les membres du GNPP — pour lesquels ce site est dédié — voici une rapide synthèse de ce document que j’ai eu le plaisir de rédiger une nouvelle fois cette année.

La photographie devient un media social : largement évoqué depuis 2007 dans les pages de l’Observatoire, la photographie est désormais devenue un médium pervasif utilisé par tous les individus pour documenter leur vie quotidienne. La “storyfication” de la vie passe désormais par l’image en détrônant l’écrit au passage !

Les usages experts portent le marché photo : les hyper-spécialistes sont à la noce. En se professionnalisant les amateurs deviennent de redoutables experts qui attendent des magasins, non des discours commerciaux réchauffés, mais une vraie expertise technique et pratique. Les accessoires de tournage vidéo, les objectifs spécialisés, ou encore les équipements outdoors obligent les vendeurs à se former pour faire face à des usages très pointus.

Le marché des compacts est saturé : les ventes de compacts plafonnent (- 7 % après une année 2010 à – 2% selon Sipec). Ce phénomène marque l’entrée du marché photo dans un nouveau cycle. Toutefois les compacts ne sont pas tous frappés : les modèles superzoom (> x10) ne sont pas concernés en enregistrant une croissance de + 2%  en volume sur les deux premiers mois de 2012 alors que les ventes se situaient globalement à -15% sur les compacts à la même période (source GfK, dans Le Monde de l’image de mai-juin 2012).

Les ventes d’objectifs toujours bien orientées :  si le marché des reflex a encaissé une contre-performance imputable aux problèmes d’approvisionnement (-16 % selon Sipec), les consommateurs se sont reportés sur les objectifs (+ 5 % sur 2011 en volume). Le marché des focales fixes reste ferme après une année 2011 exceptionnelle (+ 46 % en volume selon GfK) et un début d’année à +  26 % sur les deux premiers mois de l’année (selon GfK, dans le Monde de l’image de mai-juin).

Forte croissance, mais essor trop lent pour les hybrides : avec + 89 % de croissance en volume (selon Sipec), les hybrides s’installent en France, mais pas aussi rapidement que les acteurs du marché l’avaient envisagé. En France les hybrides ne pesaient que 19 % des ventes de reflex fin décembre 2011, alors qu’au Japon ces derniers représentaient déjà plus de 30% (et 50 % sur le dernier trimestre 2011 !). L’année 2012 pourrait corriger le phénomène avec un doublement des volumes de ventes !

Le haut de gamme s’impose, y compris en consommables : si globalement le marché des consommables plongent, les segments très technologiques (les cartes mémoire haut débit ont vu leur prix moyen croître de +13 % selon GfK) et le haut de gamme s’en tirent bien : + 6 % pour les supports jet d’encre Fine Art par exemple (source SNSII)

Le “storification” poussent les albums personnalisés : leurs ventes ont progresses de  26 % en volume en 2011 selon Future Source Consulting. Ce marché profite d’abord aux sites de services en ligne qui détiennent 91 % de parts de marché (hors albums pros).

Les objets photographiques personnalisés en plein essor : avec une croissance de + 10,3 % en valeur en 2011, les objets photographiques ont le vent en poupe selon Future Source Consulting. Les calendriers génèrent seuls, plus de 21% de la valeur de ce segment qui pèse, mine de rien,  2/3 du chiffre d’affaires du marché des albums personnalisés !

La distribution photo condamnée à l’excellence : conséquence de la professionnalisation des amateurs et du besoin d’optimisation des coûts de distribution, seuls les vrais photospécialistes tireront leur épingle du jeu. Perturbé par les problèmes de livraison en 2011 (dus au tremblement de terre japonais et aux inondations en Thaïlande), les distributeurs n’ont pu déployer tout leur potentiel, mais la tendance à l’hyper-compétence se renforce d’année en année face au e-commerce et m-commerce.

Les professionnels de la photo malmenés par l’économie numérique : la mondialisation a favorisé la création de pôle d’agrégation et de diffusion de contenus à bas coûts tandis que les règles du copyright anglo-saxons deviennent la norme. Seuls les producteurs de contenus visuels exceptionnels peuvent survivre dans cet environnement et à la condition de disposer d’une visibilité mondiale. Pour l’artisan, la recherche constante de la différenciation (par la qualité et la créativité) constitue la planche de salut.

La photographie, valeur refuge du marché de l’art : accessible, populaire, et appréciée par les investisseurs, la photographie est une valeur sure. Les incitation fiscales pour soutenir la création ne sont pas étrangères à cet engouement. Hors du sénacle du marché officiel de l’art (qui s’organise autour de quelques instances qui « font » le marché),  la vente des tirages photo dans des galeries-magasins ou sur les sites de vente spécialisés  poursuit sa démocratisation.

Le marché mondial attend le rebond : après une année 2011 chaotique tant les cataclysmes naturels ont désorganisés les approvisionnements, le marché mondial des appareils photo s’est refermé sur une baisse de – 3% (à 140 millions d’appareils photo commercialisés au 31 décembre 2011 selon GfK). Pourtant la croissance annuelle du marché des appareils photo devrait atteindre 2,1 % par an d’ici 2015 selon le cabinet IC Insights.

2012, les pratiques photographiques s’émancipent : media social ubiquitaire d’un côté, moyen d’enregistrement continu du mouvement de l’autre, la photographie pratiquée en 2012 est en rupture avec les usages documentaires et mémoriels qu’on lui connaissait jusqu’à l’aube du XXIème siècle. La connectivité sans fil et la haute resolution temporelle constituent les deux nouvelles frontières des industriels qui doivent penser à contrer l’hégémonie des usages sur smartphones. En attendant une réelle concurrence, cette frénésie d’usages renforce le désir d’unique et de sacré ce qui profite depuis plusieurs années au marché de la photo d’art. Et ce n’est qu’un début…

(*) API : Association pour la Promotion de l’Image.  L’observatoire des professions de l’image rend compte de la réalité des usages photographiques et de la consommation grand public de l’année passée afin de mieux tracer les perspectives du marché futur.  Ce travail s’appuie sur les chiffres officiels déclarés par les fabricants aux syndicats qui les représentent, sur les données du baromètre API/Ipsos et sur les nombreuses études publiées par des cabinets d’études tout au long de l’année.