Le marché entre en 3D*

17 décembre 2009

Le film Avatar de James Cameron précède de peu l'entrée du marché de l'EGP dans une nouvelle phase de son développement grâce à la 3D.

Le kit Nvidia 3D Vision permet depuis avril 2009 d'accéder à la vision stéréographique sur écran 120 Hz pour environ 140 euros TTC.

Le fait

La sortie le 16 décembre 2009 du film Avatar de James Cameron est présenté comme un événement majeur pour l’industrie du cinéma. Par la puissance des moyens mis en œuvre par les studios Fox pour sa production (un nouveau record  à 310 millions de dollars !), la technologie déployée pour sa réalisation (modélisation 3D temps réel avec des acteurs filmés), mais également pour sa diffusion 3D* (projection sans copie matérielle dans 20% des salles françaises) et dans 261 salles IMAX dans le monde… Mais plus encore, parce que l’impact médiatique, et les effets sidérants de la technologie mise en œuvre par le réalisateur de Titanic, prépare une offensive 3D sur l’ensemble de l’industrie de l’électronique grand public.

Le décryptage

L’histoire du cinéma retiendra sans doute Avatar comme le film emblématique de l’incursion de la 3D dans l’industrie de « l’entertainement » de masse, comme Toy Story le fut en 1995 pour le dessin animé qui pour la première fois fut entièrement réalisé en images de synthèse. Jusqu’alors la restitution 3D était essentiellement réservée aux parcs d’attraction pour des films courts dont les effets outrés et spectaculaires donnaient souvent mal à la tête. En réalité cette sortie d’Avatar donne le top départ d’un nouveau marché auxquels les géants de l’électronique grand public se préparent depuis cinq ans. Les éditeurs de jeux vidéos sont également dans les starting-blocks, eux qui depuis six à sept ans développent des jeux en 3D, qui sont — faute d’écrans et de processeurs assez rapides !—, utilisés par les joueurs en 2D. Mais 2013, le marché des téléviseurs 3D devrait frôler les 14 millions de pièces selon Screen Digest tandis que les PC à écrans compatibles 3D, les consoles, les lecteurs Blu Ray et les vidéoprojecteurs auront été convertis au 3D.

L’arrivée en magasin en avril 2009 d’un kit GeForce développé par Nvidia composé d’une carte graphique et de lunettes (140 euros environ),  rendant la 3D accessibles aux geeks et gamers marque la première avancée sur ce segment. Selon Stéphane Quentin, chef de produit chez Nvidia, plus de 10 000 kits ont trouvé preneurs en huit mois, alors que seul un fabricant commercialisait un écran 120 Hz nécessaire au confort de la vision stéréographique (2 fois 60 images projetées par seconde). Mais les choses évolueront vite en 2010 : depuis septembre 2009, tous les fabricants ont présentés des téléviseurs HD autorisant la restitution 3D en faisant appel à des lunettes synchronisées (mais sans programme hors les films Blu-Ray 3D attendus au printemps) et les consoles de jeux (comme la PS 3) . 2010 marquera donc l’année zéro de la 3D grand public, avec comme cible prioritaire les joueurs, puisque près de 450 jeux  sont utilisables en 3D dès que les consommateurs se seront équipés d’un écran compatible.

Les photographes sont-ils concernés par le phénomène 3D ? Oui bien sûr ! Les photographes ne peuvent pas se soustraire à un écosystème où les liens entre les modes de représentations visuelles sont en interaction. Il s’agit pour les artistes et créatifs d’explorer de nouveaux champs d’expression 3D qui sont complémentaires de la restitution 2D. Plus globalement, dans une logique de promotion marketing des solutions proposées par les marques, il s’agit de vendre le surcroît d’émotions qui attire le consommateur (cf. notre post du 1er décembre sur la vision de René Barjavel dans « Cinéma Total »). En conséquence, les photographes devront investir ce nouveau champ d’expression, afin de savoir ce qu’ils peuvent en faire au-delà des préjugés qu’ils ont vis-à-vis de cette technique. Les chefs opérateurs français réunis en colloque à l’Ecole Louis Lumière le 3 décembre dernier, ne se posent plus la question. Ils sont obligés d’acquérir de nouvelles compétences en stéréographie afin de pouvoir offrir un cinéma de qualité au public et ne pas se déclasser professionnellement. Les photographes doivent donc se préparer à devenir des stéréographes, spécialité qui sera sans doute très prisée dans les prochaines années…

(*) La dénomination 3D est un abus de langage pour désigner un procédé de restitution stéréographique, mais ce dernier terme plus juste reste trop technologique et n’est quasiment jamais utilisé en marketing.

Pour une écologie photographique

17 décembre 2009

Le fait

Gérard Mermet , directeur depuis treize ans de Francoscopie* — guide de référence annuel sur l’évolution de la société française —, estime que celle-ci est en situation de rupture. Parmi les ruptures identifiées (individus/institutions, temps/espace, citoyen/modèle républicain), l’auteur met en avant la rupture environnementale comme principal fait marquant de 2009 pour les Français, « même si, précise-t-il, celle-ci n’apparaît pas au premier plan des préoccupations, c’est là qu’est l’urgence ».  Dans une interview accordée à Isabelle Musnik, rédactrice en chef du site http://www.influencia.net, Gérard Mermet précise le sens de cette rupture : « Il y a une prise de conscience qu’on vit dans un monde très différent du précédent, moins prévisible et plus dangereux et qu’il va falloir changer de modèle de société ». Une analyse qui renvoie directement aux conclusions de la dernière étude Briefing de l’Agence Australie à lire ci-dessous.

Le décryptage

A l’heure où les derniers arbitrages du sommet de Copenhague sont en cours, et où l’humanité doit relever le défi de conjuguer les contraintes de la nouvelle démographie mondiale avec celles de la raréfaction des ressources naturelles, le secteur de la photographie reste muet. Un silence assourdissant auquel le dernier Salon de la photo 2009 n’a pas dérogé. La réglementation européenne tient lieu de ligne de conduite pour les industriels, condition insuffisante pour en faire un argument de vente vis-à-vis des consommateurs qui n’en demandent pas plus. Les distributeurs seraient les plus volontaires…, en laissant aux fabricants le soin de régler la note, comme la loi les y oblige d’ailleurs !  Tout cela, pour un retour sur investissement improbable, puisque le grand public n’a pas encore la maturité, ni même les outils pour sélectionner les produits et services les plus éco-responsables (notamment par l’étiquetage). Au moins peut-on s’honorer que notre secteur photo n’ait pas recours au « green-washing » comme d’autres secteurs n’hésitent pas à le faire.

Dans un contexte où, on l’aura compris, l’action globale est lente et difficile, l’action locale des photographes peut être utilisée pour conforter une image éco-responsable en adoptant des gestes simples comme autant de signes qui imposent, par leur multiplicité, que le professionnel est concerné par cette rupture des mentalités : éclairage basse énergie, containers de récupération des piles et accus, service de recyclage des cartouches, offre de produits éco-responsables, incitation à la reprise des équipements anciens (comme la règlementation DEEE oblige à le faire), service de réparation performant (évitant la mise au rebus), sacs de caisses biodégradables, tri-sélectif des déchets du studio, de l’atelier ou du magasin, récupération des effluents chimiques des minilabs, véhicule sobre… sont autant de signes qui désormais font partie des attentes des consommateurs. Evidemment, ces derniers — nous le savons que trop, puisque nous devons nous-mêmes gérer cette contradiction —, n’hésiteront pas à choisir le produit le moins cher… en fermant les yeux sur le dumping écologique qui leur permet de faire une bonne affaire…

Bien que controversé —pour de fausses bonnes raisons—, le film « Home » de Yann Arthus-Bertrand a largement prouvé le 5 juin dernier comment le statut particulier du photographe (ultra-médiatique certes…) permettait plus que pour d’autres leaders d’opinion (réalisateurs, personnalités politiques ou artistes) d’éveiller les conscience et de parler au nom de ses contemporains. En dépit de la détestable image des paparazzi auprès du grand public, le photographe reste associé à une image d’inlassable observateur des autres et du monde. Une image utile dans le défi environnemental qui nous préoccupe et autour duquel la vie économique va trouver un nouveau rebond. Autant ne pas ternir cette bonne image du secteur (justifiée ou non) par inertie…

(*) Francoscopie 2010. 13è édition parue chez Larousse en octobre 2009. 32 euros TTC.

Satiété de consommation

17 décembre 2009


L'étude d'Australie fait la synthèse des mouvements qui agitent la société française et la manière dont les consommateurs ont évolué en 2009.

Le fait

Australie, agence de communication parisienne, vient de publier son Edition 2010 de Briefing, un document qui analyse les comportements des consommateurs en France au cours de l’année écoulée. Sous le titre « Nouveaux appétits »,  cette édition rappelle ce que nous savions : « Tout change de plus en plus vite, et il est de plus en plus difficile de prévoir ». Mais décrypte avec précision ce qui s’est cassé dans la machine pourtant bien huilée du consommateur de l’année 2009. Et le constat rappelle celui de Gérard Mermet de Francoscopie :  Nous sommes passés d’une société de consommation à une satiété de consommation.

Le décryptage

Il va falloir réviser les poncifs du marketing. Car la crise économique a bon dos pour expliquer la baisse de la consommation des ménages au cours des derniers 18 mois (à l’exception du marché des appareils photo qui enregistrera son plus haut historique avec 5,2 millions d’unités !). La chute libre du moral des ménages avait débuté selon l’INSEE dès la fin 2006 (permettant à notre président de saisir le thème porteur de la défense du pouvoir d’achat ). Au moins cette crise a t’elle permis au consommateur de prendre conscience de l’incohérence de certains de ses comportements et de reprendre la main en s’affranchissant des pensées uniques distillées à l’envie par les institutionnels, les responsables politiques et les marques (une dose d’utopie, une dose d’espoir, une dose de citoyenneté, une dose de pugnacité,  une dose de générosité, une dose de réalisation de soi… le tout arrosé par une rasade de consommation débridée !).

Le bilan n’est pas aussi sombre qu’il n’y paraît  finalement et les photographes de proximité doivent prendre en compte ces quelques tendances pour en faire des outils de conquête  :

• Le besoin  d’échanger entre « pairs » : la montée des réseaux communautaires et la croissance du trafic de twitter traduit cette tendance (source eMarketer). L’entretien du réseau social devient en 2010 une priorité, l’isolement un arrêt de mort…

• La propension à faire toujours plus confiance aux proches (source The Nielsen Company) au détriment des institutions et des marques : la proximité est donc une valeur qui monte. La qualité d’écoute, l’attention au véritable besoin du client (pas toujours exprimé clairement) devient un enjeu fort. Capitalisez sur l’empathie et le lien.

• L’envie de faire la fête (source : association Les vieillies charrues) comme moyen de compenser la dématérialisation des échanges et de créer des liens sociaux. Une source de profit pour les photographes événementiels, mais également pour les revendeurs d’appareils de dernière génération (considéré comme objet statutaire individuel).

• L’envie de partager les grands moments (source Médiamétrie) et les émotions, comme le succès des grandes messes médiatiques et compassionnelles l’atteste. L’augmentation des pratiques photographiques amateurs reflète cette envie de communion autour d’événements publics. L’augmentation de la fréquentation des salles de cinéma répond également à ce besoin d’éprouver ensemble.

• L’envie d’être respecté par les marques, d’être compris par elles (source Australie/TNS Sofres 2008): toute proposition commerciale manquant de transparence, surévaluée ou qui essaie de berner le client est immanquablement sanctionnée.

En synthèse Australie préconise quatre points en parlant au nom du consommateur : « En 2010, pour nous donner envie, les marques devront oser et être exigeantes. Oser répondre à nos nouvelles faims. Savoir nous faire des propositions réellement intéressantes. Faire des offres qui respectent les consommateurs exigeants que nous sommes devenus ». Un défi à relever.


L’éphémère comme valeur sure !

1 décembre 2009

 

Situé au 47 boulevard de Sébastopol à Paris, le Windows Café de Microsoft restera ouvert jusqu'à la fin décembre.

Le fait

Pour le lancement de Windows 7, Microsoft a opté pour l’ouverture le 22 octobre dernier d’un Café éphémère à Paris.  Celui-ci fermera ses portes fin décembre. Cette initiative n’est pas nouvelle ni unique, les lieux éphémères — boutiques ou lieux de restauration— se multiplient dans le monde depuis cinq ans à l’occasion de lancement de nouveaux produits ou pour séduire une nouvelle clientèle. A Paris cette fin d’année 2009 aura vu fleurir de nombreuses initiatives : boutique Prada place Beauvau, boutique Michael Jackson à l’Olympia, Galerie « Passion Victim » dans le 18ème arrondissement… mais aussi Toy’R’Us à Savigny-le-Temple pour ne citer que ces quelques exemples. Le phénomène est tel que le Parisien du 26 novembre en à fait sa Une en titrant «Commerce : les nouveaux mercenaires de Noël ». L ‘angle faisait valoir le risque de distorsion de concurrence entre grandes enseignes et petits commerces dans la zone de chalandise, mais le phénomène dépasse évidemment ce seul aspect.

Le décryptage

« L’éphémère n’est pas une mode éphémère » explique Gilles Lipovestky dans un article paru dans Newzy le 20 octobre (à lire en cliquant ici). Même si le philosophe, auteur de « L’empire de l’éphémère » (paru en septembre 1991), observe que ce mouvement de société  « est devenu un principe structurel », il reste lucide vis-à-vis de ce constat : « L ‘éphémère a été davantage une raison à la crise que sa solution » estime-t-il. Reste que personne ne peut se soustraire à la réalité du moment, et encore moins les photographes claquemurés dans l’ambiance rassurante de leur studio. Ceux-ci doivent chercher un nouveau public en quête d’expériences émotionnelles inédites. Et pour le coup, les photographes qui osent aller au devant des aspirations statutaires ou festives des consommateurs n’ont pas à s’en plaindre : photographes itinérants faisant le tour des clubs d’équitation avec leurs flashes portatifs sur fond couleur de terre  (façon Yann Arthus-Bertrand), studios éphémères installés au cœur des galeries commerçantes, animation photographique sur les stands de foires commerciales… Certes la ringardise de la photo d’enfants dans les bras du Père Noël n’est pas la meilleure façon de promouvoir un statut de photographe sensible et raffiné… mais des milliers d’autres voies sont à explorer. Les studios éphémères du salon de la photo n’étaient-ils pas des outils, ô combien efficaces, d’image de marque pour les stands (tout aussi éphémères !) qui les  accueillaient ?


La course à exacerbation des émotions

1 décembre 2009

Essai visionnaire publié en janvier 1944 (épuisé aujourd'hui), René Barjavel décrit le processus qui pousse le cinéma à exacerber les émotions grâce à la technologie. Ce mouvement jamais démenti concerne également la photographie…


Vision

« Le cinéma n’existe pas encore. Nos films sont des esquisses à la mine de plomb ». Ces mots de René Barjavel, auteur de roman de science fiction du milieu du XXème siècle sont tirés d’un essai qu’il a signé chez Denoël en 1944 sous le titre « Cinéma total ». Le constat, quoique visionnaire, est de celui qui pourrait être balayé par la modernité de notre technologie numérique. René Barjavel n’écrivait-il pas ces mots en pleine conversion du cinéma à la couleur, lequel venait de se convertir au sonore ? « La pratique de la couleur révèlera les défauts techniques. Ils seront attaqués et réduits un à un. A ce moment naîtra le cinéma en relief, qui rendra le film plat caduc. » poursuit-il.

Le décryptage

De l’argentique au numérique, du tirage à l’impression, et aujourd’hui de la photo « plate » à la photo en relief, les prophéties de René Barjavel restent toujours autant au cœur de l’actualité des gens d’images.  Il n’est pas une conférence de presse des industriels de l’électronique grand public qui ne fasse aujourd’hui l’apologie de la restitution vidéo 3D sur téléviseur à écran plat : une suite logique à la mutation accélérée de l’industrie du cinéma vers la restitution du relief. La HD ne constitue plus un argument différenciant. La 3D prendra le relais demain chez Sony, Panasonic, LG, Samsung… avec ou sans lunette.

Cette surenchère à la transmission d’une émotion à travers les sens n’aurait pas surpris René Barjavel (décédé en 1985). Il en donnait le sens dès 1944 : « L’œuvre d’Art nous touche à la fois par la joie qu’elle offre à certains de nos sens, par l’émotion qu’elle provoque en nous et par le plaisir intellectuel que nous éprouvons à détailler sa perfection.  Le cinéma, dans son vaste public, ne peut toujours chercher l’esprit des gens qui n’en ont point. Mais il peut agir sur ceux-ci par les nerfs et par la chair, émouvoir de la même façon les hommes cultivés qui sont de même pâte, et, de plus plaire à ces derniers par sa qualité. »

Pour le monde de la photo le défi est de taille. La restitution en relief reste considérée par les photographes comme un artifice inutile, voire de mauvais goût. Les nombreuses « révolutions » dans la photographie 3D n’ont jamais dépassé le stade de la curiosité que les professionnels de la publicité ont parfois su exploiter pour créer des « PLV d’exception ». Le procédé Nimslo 3D est loin et le concept Fujifilm Finepix Real 3D prend le relais courageusement en associant pour la première fois un appareil de prise de vue numérique à un cadre numérique lenticulaire. En photographie, quid de l’exacerbation des sens que le cinéma met en avant avec la promotion du relief et que les téléviseurs à écrans plats porteront à partir de 2010 dans nos salons ?

Pourtant, en dehors du relief, encore aujourd’hui ingérable tant que les périphériques de visualisation ne sont pas généralisés dans les foyers, le marché photo a trouvé deux moyens à cet impératif d’exacerbation des émotions : le très grand format et l’album d’exception. Les artistes plasticiens ont su exploiter les effets du premier sur les collectionneurs ; les éditeurs d’ouvrages de tête utilisent le second avec des livres d’Art exceptionnellement façonnés. Les photographes ont donc toutes les cartes en main pour parvenir à créer un surcroît d’émotion au-delà de leur propre talent photographique. En attendant la 3D doit devenir un terrain d’exploration.  Histoire de rester référent sur le sujet pour la communauté des clients…et des proches !


Rencontre avec Vincent Grégoire

1 décembre 2009

"Il faut que les photographes soient beaucoup plus dans « l’entertainment », dans le jeu, dans la mise en scène" estime Vincent Grégoire, tendanceur chez NellyRodi.

Tendanceur chez NellyRodi, Vincent Grégoire travaille dans le monde entier au décryptage des grands mouvements de consommation. Intervenant pour Microsoft pour évoquer la montée des objets tactiles dans la vie quotidienne (dont la fameuse table Microsoft Surface), il voit dans le besoin des consommateurs d’entrer en contact par le toucher avec les objets, une expression d’un besoin plus général de proximité. Pour lui, cela ne fait aucun doute, il s’agit d’une opportunité à exploiter pour les photographes.

En dehors d’une technologie rendue accessible par la technologie, comment expliquez-vous que les objets tactiles soient aussi bien reçus par les consommateurs ?

Avec l’actualité, le chômage et la crise, les consommateurs doutent et ont peur. Ils ont besoin de se rassurer dans un monde de plus en plus dématérialisé. Ceux-ci restent dans le vouloir d’achat mais demande plus de contact, plus de douceur. La vision d’un futur dématérialisé est compensée par le contact… Pour Microsoft par exemple, il s’agit d’avoir une approche sensible vers ceux qui ont peur des nouvelles technologies. Ce qui intéresse le consommateur, c’est contrebalancer le futurisme par les sens, le toucher, le contact, le sensible… Tout l’imaginaire de la technologie a été construit sur un rapport guerrier. On revient sur ce principe et les valeurs masculines sont bousculées au profit des valeurs de partage, de sensibilité. Le mot d’ordre est « remettre de l’humain ». C’est une tendance mondiale.

Comment les photographes peuvent se servir de ce mouvement ?

On pense être tous plasticien, designer, styliste, mais à certain moment il faut s’en remettre aux experts parce qu’ils savent ! : « La photo du petit dernier à poil sur la fourrure, c’était quand même un savoir faire ! ». Quand il s’agit de retoucher des images, de paraître plus beau que beau, plus riche que riche, l’intervention de ceux qui savent est indispensable ! Les gens ont besoin de photos dites « artistiques » plus porteuses de sens, plus codifiées, pour témoigner des moments forts, et cela justement en réaction à la banalisation du visuel. Le besoin de se « frotter » à un photographe professionnel pourra être —et souvent dans les classes sociales populaires d’ailleurs — une manière de recréer du sens, du statut, de l’existence à certains moments de la vie.

Quelle vision optimisme en pleine période de difficultés économiques…

C’est le même phénomène avec le retour des épiciers de quartier en ville. On pensait tous que la panacée c’était les hypermarchés avec leurs prix bas et leurs grands parkings : en réalité, ils sont en train de plonger, c’est la cata ! Parce que justement, les gens ont peur d’être dans des boites virtuelles !  Les gens vont se rendre compte qu’ils préfèrent mettre un tout petit peu plus cher et aller chez l’épicier ;  un épicier qui est aussi assistante sociale, fleuriste, relais de poste… Et bien, pour les photographes, je crois au retour de cette proximité. Ils ont une vraie carte à jouer à condition qu’ils apportent justement  ce service, cette humanité autour de moments d’exception. Il s’agit évidemment qu’ils sachent valoriser le côté « atelier d’artisan », c’est-à-dire leur côté artiste.

Comment voyez-vous cela pratiquement ?

Peut-être faudrait-il qu’ils inventent de nouveaux services, qu’ils créent des formules (reportage ?…) pour répondre au besoin généralisé de peopolisation. Tout le monde a envie de devenir un « people ». Donc il faut qu’ils témoignent avec des photos d’autres moments de la vie. J’ai vu une boutique dans un centre commercial à Tokyo où le photographe avait conçu un studio de mode dans la vitrine en s’associant avec un magasin d’esthétique voisin. Les gens étaient photographiés dans la vitrine, surexposés à la vue des passants comme sur une scène de théâtre. L’occasion pour les clientes d’être très bien maquillées et d’avoir des conseils personnalisés par l’esthéticienne. Il y a un truc qui se passe… on est dans le spectacle ! Il faut que les photographes soient beaucoup plus dans « l’entertainment», dans le jeu, dans la mise en scène. Il faut qu’ils sortent de cette logique de technicien et qu’ils deviennent des metteurs en scène ; une façon d’adopter une approche encore plus sensible et créative.