Le fait
La sortie le 16 décembre 2009 du film Avatar de James Cameron est présenté comme un événement majeur pour l’industrie du cinéma. Par la puissance des moyens mis en œuvre par les studios Fox pour sa production (un nouveau record à 310 millions de dollars !), la technologie déployée pour sa réalisation (modélisation 3D temps réel avec des acteurs filmés), mais également pour sa diffusion 3D* (projection sans copie matérielle dans 20% des salles françaises) et dans 261 salles IMAX dans le monde… Mais plus encore, parce que l’impact médiatique, et les effets sidérants de la technologie mise en œuvre par le réalisateur de Titanic, prépare une offensive 3D sur l’ensemble de l’industrie de l’électronique grand public.
Le décryptage
L’histoire du cinéma retiendra sans doute Avatar comme le film emblématique de l’incursion de la 3D dans l’industrie de « l’entertainement » de masse, comme Toy Story le fut en 1995 pour le dessin animé qui pour la première fois fut entièrement réalisé en images de synthèse. Jusqu’alors la restitution 3D était essentiellement réservée aux parcs d’attraction pour des films courts dont les effets outrés et spectaculaires donnaient souvent mal à la tête. En réalité cette sortie d’Avatar donne le top départ d’un nouveau marché auxquels les géants de l’électronique grand public se préparent depuis cinq ans. Les éditeurs de jeux vidéos sont également dans les starting-blocks, eux qui depuis six à sept ans développent des jeux en 3D, qui sont — faute d’écrans et de processeurs assez rapides !—, utilisés par les joueurs en 2D. Mais 2013, le marché des téléviseurs 3D devrait frôler les 14 millions de pièces selon Screen Digest tandis que les PC à écrans compatibles 3D, les consoles, les lecteurs Blu Ray et les vidéoprojecteurs auront été convertis au 3D.
L’arrivée en magasin en avril 2009 d’un kit GeForce développé par Nvidia composé d’une carte graphique et de lunettes (140 euros environ), rendant la 3D accessibles aux geeks et gamers marque la première avancée sur ce segment. Selon Stéphane Quentin, chef de produit chez Nvidia, plus de 10 000 kits ont trouvé preneurs en huit mois, alors que seul un fabricant commercialisait un écran 120 Hz nécessaire au confort de la vision stéréographique (2 fois 60 images projetées par seconde). Mais les choses évolueront vite en 2010 : depuis septembre 2009, tous les fabricants ont présentés des téléviseurs HD autorisant la restitution 3D en faisant appel à des lunettes synchronisées (mais sans programme hors les films Blu-Ray 3D attendus au printemps) et les consoles de jeux (comme la PS 3) . 2010 marquera donc l’année zéro de la 3D grand public, avec comme cible prioritaire les joueurs, puisque près de 450 jeux sont utilisables en 3D dès que les consommateurs se seront équipés d’un écran compatible.
Les photographes sont-ils concernés par le phénomène 3D ? Oui bien sûr ! Les photographes ne peuvent pas se soustraire à un écosystème où les liens entre les modes de représentations visuelles sont en interaction. Il s’agit pour les artistes et créatifs d’explorer de nouveaux champs d’expression 3D qui sont complémentaires de la restitution 2D. Plus globalement, dans une logique de promotion marketing des solutions proposées par les marques, il s’agit de vendre le surcroît d’émotions qui attire le consommateur (cf. notre post du 1er décembre sur la vision de René Barjavel dans « Cinéma Total »). En conséquence, les photographes devront investir ce nouveau champ d’expression, afin de savoir ce qu’ils peuvent en faire au-delà des préjugés qu’ils ont vis-à-vis de cette technique. Les chefs opérateurs français réunis en colloque à l’Ecole Louis Lumière le 3 décembre dernier, ne se posent plus la question. Ils sont obligés d’acquérir de nouvelles compétences en stéréographie afin de pouvoir offrir un cinéma de qualité au public et ne pas se déclasser professionnellement. Les photographes doivent donc se préparer à devenir des stéréographes, spécialité qui sera sans doute très prisée dans les prochaines années…